Transit

Christian Petzold est sans conteste l’un des cinéastes allemands parmi les plus captivants du moment. A l’instar du très regretté Fassbinder, le réalisateur de «Fantômes» (2005) fouaille par films interposés les plaies mal suturées de l’histoire récente de l’Allemagne, qu’il ranime les miasmes mortifères de l’ex-RDA («Barbara», 2012) ou restitue dans les ruines de l’immédiate après-guerre la dérive d’une jeune Juive défigurée à la recherche de son mari qui l’a dénoncée («Phoenix», «2015).

Avec «Transit», adapté du roman de l’écrivaine Anna Seghers, qui a fui l’Allemagne nazie pour trouver refuge au Mexique, Petzold atteint à nouveau les sommets par l’entremise d’un chef-d’œuvre inconfortable, apte à nous troubler au plus haut point. Le vertige qui nous saisit à sa vision provient de l’idée, absolument saisissante, de transposer à notre époque la débâcle de 1940.

Traqué par la police, Georg (Franz Rogowski, magnifique d’ambiguité), un jeune exilé allemand usurpe l’identité de l’un de ses compatriotes, un écrivain nommé Weidel qui vient de se suicider dans sa chambre d’hôtel à Paris. Dérobant son manuscrit, il gagne Marseille, encore en zone libre (mais plus pour longtemps), dans l’espoir de pouvoir quitter grâce à son imposture une Europe derechef sous la menace du totalitarisme. C’est alors qu’il croise Marie (Paula Beer), l’épouse de Weidel, elle aussi en danger… Appariant les fulgurances d’un mélodrame asséché par la désespérance à une métaphore politique d’une terrible acuité, Petzold atteint parfaitement sa cible.

de Christian Petzold
Allemagne, 2018, 1h41