The Hunter

Depuis sa sortie de prison, Ali travaille comme veilleur de nuit dans une usine. Il vit à contretemps de sa femme Sara et de leur fille Saba qu’il ne voit que peu de temps par jour, aux heures où la ville s’anime ou se couche. Ces heures sont les plus joviales, les plus douces et apaisantes de son quotidien. Un jour pourtant, Sara et Saba sont absentes lorsqu’il rentre, et elles ne reviendront pas: la police lui apprend que sa femme a été victime d’une balle perdue lors d’une manifestation et que sa fille est portée disparue. Chez l’homme comme chez le spectateur, la rage monte. La rage contre cet inspecteur, incarnation d’un pouvoir tyrannique et opaque, dont on ne sait s’il dit la vérité, mais contre lequel assurément on ne peut rien faire. A partir de cet instant, le film prend emprunte un virage radical: les tons chaleureux, les sourires complices et les contacts humains font place à une vengeance aveugle qui prend les traits d’une chasse à l’homme. Des cadrages d’une rigueur absolue, accentués par une bande-son métronomique, montrent un Ali déterminé, au regard fixe et à l’expression immuable. Fusil à l’épaule, il vise deux policier sur une route en contrebas et les tue, avant de prendre la fuite dans la forêt, sous la pluie, seul. Après un chassé-croisé, deux policier finiront par le rattraper. Ils se perdent dans la forêt et, livrés à eux-mêmes, les trois hommes se confrontent dans une bataille à huit clos qui frise l’absurde, dans laquelle les dimensions humaines, politiques et hiérarchiques se confondent. Rafi Pitts signe un cinquième film d’un pessimisme déconcertant, dressant le portrait d’une société à la limite de l’implosion. Si la rigueur et la froideur des images et la dureté du jeu des acteurs – Ali est interprété par le réalisateur lui-même, son acteur principal ayant dû être remplacé au dernier moment – empêchent malheureusement une pleine immersion dans l’histoire, le film se distingue cependant par des plans magnifiques et une bande-son hypnotique. «The Hunter» a été sélectionné dans de nombreux festivals, parmi lesquels la Berlinale en 2010.

Shekarchi
de Rafi Pitts
Iran / Allemagne, 2010, 1h32

à La Chaux-de-Fonds