The Boss of It All (Le Direktør)

En première Suisse
de Lars von Trier
avec Jens Albinus, Peter Gantzler, Louise Mieritz, Iben Hjejle, etc.


Le Danois Lars von Trier a cinquante ans et jouit d’une réputation très peu politiquement correcte: on le dit agoraphobe, misanthrope, maniacodépressif, hypocondriaque… Qu’importe, car il est sans conteste l’un des cinéastes les plus importants des deux dernières décennies, sinon l’un des plus influents! Admirateur et continuateur de son compatriote Carl Theodor Dreyer, il s’est livré à ses expériences formelles hardies dès le début des années quatre-vingt avec «The Element of Crime» (1984) et «Europa» (1991). Avec «Breaking The Waves» (1996), il prend conscience que la contribution des acteurs est essentielle et procède à une véritable épure stylistique. Il donne un grand retentissement à ce virage en promulguant avec son compère Vinterberg le fameux «Dogma», un «vœu de chasteté» exigé de la part des réalisateurs qui doivent dès lors refuser tout artifice. Après «Les Idiots» (1998), Von Trier est le premier à blasphémer en tournant aux Etats-Unis «Dancer in the Dark», une comédie musicale fastueuse portée par la chanteuse Björk.

Toujours Outre-Atlantique, le Danois entreprend avec «Dogville» (2003) et Nicole Kidman une trilogie provocante et très distanciée sur la genèse ambiguë de la nation américaine, «la terre de l’opportunité». Après en avoir réalisé le deuxième volet, «Manderlay» (2005), Von Trier éprouve le besoin de faire une pause et retourne à Copenhague pour tourner «The Boss of It All» (qui sort en France sous le titre «Le Direktør»), un film léger inspiré des comédies sophistiquées de l’âge d’or hollywoodien… Le propriétaire d’une entreprise d’informatique florissante a inventé un patron fantôme pour pouvoir jouer le rôle de l’administrateur toujours très compréhensif avec les employés. Il a pu ainsi façonner à sa guise une image du Chef idéal et désirable, convenant à tous les subalternes. Arrive le jour où notre petit malin veut vendre sa société à un féroce entrepreneur islandais. Obligé de donner le change, il charge un acteur raté (le formidable Jens Albinus) d’interpréter le rôle du patron fictif. Le comédien va prendre sa tâche très à cœur… Jamais en retard d’une innovation et en écho au thème profond de sa comédie, Von Trier a laissé à l’ordinateur le loisir de décider lui-même de certaines options de mise en scène (mixage, éclairage, cadrage). Corrosif!
DIREKTØREN FOR DET HELE, 2006, Danemark, couleur, 1h39, programme n°140