Soy Nero

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Depuis près de six ans, le réalisateur anglo-iranien Rafi Pitts est interdit de tournage dans son pays d’origine, son film noir «The Hunter» ayant souverainement déplu aux censeurs de Téhéran. En exil, le cinéaste ne s’en est pas laissé conter, pour preuve ce formidable «Soy Nero», fruit précieux d’une coproduction entre la France, le Mexique et l’Allemagne qui, à la fois, reflète sa condition de proscrit et démantibule le rêve américain à la sauce Trump.

Volontaire et optimiste, Nero est un jeune Mexicain qui a grandi et étudié illégalement aux Etats-Unis, avant d’en être expulsé. Obstiné, il repasse la frontière, à la faveur des feux d’artifices du Nouvel An qui détournent l’attention des gardes (une séquence magnifique). Nero devient alors ce que l’on appelle un «green card soldier», soit l’un de ces nombreux et jeunes immigrés qui s’engagent dans l’armée américaine, dans l’espoir de décrocher une autorisation de séjour permanent pour services rendus à la patrie. Cette procédure a été instituée après les attentats du 11 septembre et porte le doux et combien révélateur nom de «Dream Act».

Si Rafi Pitts a divisé son film en deux parties bien distinctes, scindée par une ellipse magistrale, sa forme reste circulaire, jusqu’au non-sens. Dans la première partie, nous assistons à la rentrée du protagoniste sur le territoire américain, qui donne matière à une succession de scènes anxiogènes où la notion de limites se fait cruellement sentir, dont un périple en autostop hallucinant. La seconde voit Nero montant la garde dans un no man’s land désertique, en Irak ou ailleurs, avant d’être rattrapé par sa condition d’immigré, malgré son uniforme… La fable est cruelle mais elle atteint sa cible, et comment!

de Rafi Pitts
Allemagne/France/Mexique, 1h57, 2016