Sous les pavés, le cinéma

Programme n°220 |

Du 18 avril au 8 juin, en partenariat avec le Musée d’art et d’histoire et le Centre Dürrenmatt, Passion Cinéma fête le cinquantenaire de Mai 68 en auscultant, par films interposés, ce qu’il subsiste de ses fameux idéaux… En plus des projections en présence des cinéastes, ne manquez pas la conférence «Mai 68 et le cinéma», le ciné-concert «Un Petit Air de Mai (68)» et tous les autres événements!

Pour commémorer un événement que certains esprits chagrins ou mélancoliques considèrent comme une simple incartade ou un moment de pur égarement, Passion Cinéma propose d’attiser un brin les cendres du printemps qui fut celui de tous les possibles, histoire de voir si elles ne dissimuleraient pas quelques braises salvatrices.

Effets durables

On s’en souvient, à l’époque du grand chambard, le mot d’ordre donné aux cinéastes fut «Ne filmez pas!», tant on soupçonnait le cinéma d’être à la solde d’une représentation forcément biaisée du monde. Heureusement, depuis lors, les cinéastes ne se sont pas abstenus de tourner, intégrant dans leurs films les effets les plus durables de la soi-disant incartade, ou du moins leurs spectres.

Un joli bouquet de sorties

Via un cycle de films constituant un joli bouquet de sorties, Passion Cinéma va ausculter le corps social que nous a légué Mai 68, un corps qui bouge encore et parfois de façon étonnamment vivace… A commencer par les femmes qui s’efforcent plus que jamais de concrétiser le fameux slogan soixante-huitard «prenons nos désirs pour des réalités» («La Fête des mères» de Marie-Castille Mention-Schaar, «Yvette Z’Graggen» de Frédéric Gonseth, «Comme des garçons» de Julien Hallard)!

Il est interdit d’interdire

D’autres se montrent plus amers, à l’image du personnage joué par Jean-Pierre Bacri dans «Place publique» d’Agnès Jaoui, qui «a perdu sa vie à la gagner», au lieu de garder son «imagination au pouvoir». Quant à la famille, principale victime collatérale de la célèbre injonction «il est interdit d’interdire», elle ne décrète plus guère «l’état de bonheur permanent» ou «l’amour libre» («Gaspard va au mariage» d’Anthony Cordier, «Everybody Knows» d’Asghar Farhadi, «La Route sauvage» d’Andrew Haig).

A bas le vieux monde

Sans oublier le terrorisme, version horrifique de la gueule de bois post-68 («Otages à Entebbe» de José Padilha), ou la volonté d’autonomie jusque dans la mort revendiquée par des seniors qui murmurent sous cape «à bas le vieux monde» («Une Dernière Touche», comédie tendre de l’octogénaire Rolf Lyssy)… Oui, sous les pavés, il y a encore bien du cinéma!

Vincent Adatte