Pour un seul de mes yeux

En première vision | Nyon, Visions du réel 06
de Avi Mograbi |


C’est un signe qui ne trompe pas, le cinéma israélien est actuellement «secoué» par un courant documentaire d’une force rare, dont les représentants s’échinent à donner le contre-champ des conséquences de la politique israélienne. A la manière de Nanni Moretti, le réalisateur Avi Mograbi a longtemps privilégié l’ironie, la farce, jouant volontairement au bouffon pour décrire l’inanité des politiciens confrontés au problème palestinien. Aujourd’hui, il n’a visiblement plus envie de rire, ainsi que le montre «Pour un seul de mes deux yeux». Pendant la seconde Intifada, le cinéaste parcourt les territoires occupés, tout en entretenant une correspondance téléphonique avec un ami palestinien qui ne peut plus sortir de chez lui…

Comme d’habitude, Mograbi reste à l’écran, mais il ne fait plus du tout l’histrion, même s’il se prend toujours de bec avec les soldats de son pays en piquant ses colères légendaires. Par le biais d’un montage alterné d’une subjectivité pleinement assumée, il montre la culture de mort qui pèse désormais sur toute la région, remontant à juste titre jusqu’à l’attentat-suicide de Samson contre les Philistins pour indiquer que les Palestiniens n’ont pas toujours eu le monopole de ce genre d’acte désespéré… Méconnu mais indispensable, Mograbi nous redonne des raisons d’espérer du cinéma.
NEKAM ACHAT MISHTEY EYNAY, 2005, Israël / France, couleur, 1h40, programme n°136