Playtime

de Jacques Tati |
avec J. Tati, Barbara Dennek, Jacqueline Lecomte, Valérie Camille, etc.


«Play Time» (1967) est un chef-d’œuvre monstrueux et inégalé qui a causé la ruine de son auteur donnant pleinement raison à l’essayiste américain Charles Eidsvik – «L’histoire du cinéma en tant qu’art est essentiellement une histoire de films qui perdent de l’argent.» Pour arriver à ses fins, Jacques Tati a fait ériger une véritable «Tativille», habitat complètement planifié où il égare définitivement le personnage qui a fait sa renommée en multipliant les «clones» de Hulot. «Play Time» n’a plus d’histoire, plus de personnages principaux (d’où la disparition de notre grand escogriffe), mais un écran large («démocratique») qui contraint le spectateur à une vigilance accrue (s’il veut rire) car les gags visuels et sonores fusent de partout, parfois de façon simultanée, au premier plan, comme dans la profondeur de champ. Avant Tati, aucun cinéaste n’a osé contrer avec une telle audace le dispositif du cinéma classique – qui ne fait rien d’autre que d’indiquer au public ce qu’il doit voir et entendre. La sortie de «Play Time», en décembre 1967, a coïncidé avec la publication de «La société du spectacle» du «situationniste» Guy Debord que Tati ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Critique de l’inauthenticité de la vie moderne, son film apparaît cependant comme une actualisation limpide des thèses complexes de Debord. Notons que ce dernier admirait profondément l’auteur de l’«effondrement incroyablement jouissif» du Royal Garden, ce restaurant chic mais inachevé qui finit par tomber littéralement en pièces dans l’une des séquences les plus folles de l’histoire du cinéma!
1967, France / Italie, couleur, 2h06, programme n°108