Peter Von Kant

Analyste percutant des rapports de pouvoir, chroniqueur impitoyable des hypocrisies qui ont présidé à la reconstruction de l’Allemagne (alors de l’Ouest), Rainer Werner Fassbinder constitue pour François Ozon un sujet d’inspiration et de profonde admiration. En 2000 déjà, le réalisateur de «Grâce à Dieu» portait à l’écran l’une des pièces de théâtre du Bavarois scandaleux, «Gouttes d’eau sur pierres brûlantes».

Tiré de l’incroyable «Les larmes amères de Petra Von Kant» (1972), mélodrame en huis-clos de la plus belle eau, «Peter Von Kant» est une adaptation libre et plutôt audacieuse de l’un des chefs-d’œuvre du cinéaste allemand. Il y racontait les déboires et désespoirs d’une créatrice de mode célébrissime se consumant de passion pour Karin, une orpheline issue d’un milieu ouvrier. D’une grande beauté et dotée d’une intelligence aigüe, la jeune femme se révélait une manipulatrice hors-pair, jusqu’à briser le cœur de son amoureuse éperdue.

Projeté au dernier festival de Berlin, le 21e long-métrage de François Ozon, comme son titre le suggère, en masculinise la plupart des protagonistes, tout gardant identiques le lieu et le temps de l’action, ainsi que sa forme de huis-clos… Petra la styliste devient Peter (Denis Ménochet), cinéaste craint et reconnu, qui tombe amoureux sans retour d’un bel éphèbe sorti de nulle part, prénommé Amir (Khalil Gharbia). Celui-ci lui a été présenté par Sidonie (Isabelle Adjani), vedette du grand écran dont il a contribué à faire une star. Loin de constituer une bête copie admirative, le remake profite à plein de l’idée brillante de métamorphoser Petra en Peter. Ce changement de sexe permet en effet à Ozon de dresser en creux un portrait de Fassbinder troublant d’ambiguïté, à la fois dominant et dominé, que rehausse encore la prestation d’un Denis Ménochet étonnant de ressemblance!

de François Ozon
France, 2022, 1h25