Pentagon Papers

A septante-et-un an passés, Steven Spielberg semble mû par un sentiment d’urgence. Revisitant des pans entiers de l’histoire récente des Etats-Unis, le réalisateur se démultiplie, comme pour conjurer un futur qui ne laisse pas d’inquiéter! Après «Lincoln» et la guerre de Sécession, «Le pont des espions» et la guerre froide, le voilà qui évoque trente ans de mensonges d’Etat dans «Pentagon Papers», son trentième long-métrage de cinéma.

Empreint d’un classicisme qui fait presque figure d’avant-gardisme en regard des superproductions dopées aux effets numériques devenues notre lot quotidien, son dernier film en date commence dans la jungle vietnamienne. Cette séquence d’ouverture frappe par sa brièveté et sa confusion, exprimant d’emblée toute l’inanité du conflit qui opposa durant plus de deux décennies l’Amérique «libératrice» et le Vietnam du Nord.

C’est de ce bourbier que s’extirpe Daniel Ellsberg (Matthew Rhys), dégoûté par l’hypocrisie de ses dirigeants qui persistent à justifier auprès du public une guerre dont ils savent pertinemment qu’elle ne peut être gagnée. Donneur d’alerte avant l’heure, Ellsberg fait fuiter des milliers de documents qui exhibent les dessous peu ragoutants de la politique étrangère étasunienne. Le New-York Times puis le Washington Post commencent à publier les «Pentagon Papers», déclenchant l’ire du président Nixon, lequel va tenter d’attaquer en justice ces deux journaux, histoire de réduire au silence le quatrième pouvoir…

Spielberg investit la rédaction du Post pour reconstituer ce haut-fait médiatique, resserrant son récit sur son rédacteur en chef, Ben Bradlee (Tom Hanks), et sa propriétaire, Katharine Graham (Meryl Streep). Avec une acuité détonante, le cinéaste fait d’une pierre deux coups! Ciblant à la fois Trump et ses «fake news», qu’il considère comme un vrai danger pour la démocratie, le réalisateur des «Aventures de Tintin» témoigne de la difficulté pour une femme de faire entendre sa voix à travers le personnage formidable de Katharine Graham.
Devenue propriétaire du Post un peu par défaut après le suicide de son mari, cette femme de l’ombre, considérée avec condescendance par ses propres journalistes, est la véritable héroïne de «Pentagon Papers», celle par qui la vérité triomphe!

The Post
de Steven Spielberg
Etats-Unis, 2017, 1h56