Miller’s Crossing

de Joel & Ethan Coen |
avec Gabriel Byrne, Marcia Gay Harden, John Turturro, Jon Polito, Albert Finney, etc.


Malgré les années, «Miller’s Crossing» reste toujours l’un des plus beaux films américains qui nous aient été donnés à voir depuis longtemps. Revisitant le film de gangsters (qui eut son heure de gloire dans les années trente), les frères Coen le transforme en rêve de cinéma dont les héros sont exposés à plus d’une inquiétante étrangeté. En douceur mais d’une caméra ferme, les Coen liquident le spectre de la revisitation «révélatrice» et démystifiante d’un genre — à la Eastwood, par exemple, qui, pour cette raison, est certes un cinéaste génial, mais si typique des années septante — en nous balançant le discours d’un ponte de la pègre locale qui déplore le manque d’éthique caractérisant les pratiques délictueuses de l’époque. Quand un gangster se met à parler d’éthique, mieux vaut s’en aller, couper court au dialogue (l’accepter ferait courir un risque grave à la langue)… C’est ce que font les Coen en concentrant toute leur attention sur le personnage de Tom Reagan (Gabriel Byrne), bras droit d’un caïd irlandais (Albert Finney) qui règne sur une petite ville anonyme, au temps de la prohibition. Dénué de tout héroïsme, Tom s’efforce de laisser vivre celui dont on exige pourtant qu’il lui règle son compte; pour des raisons mystérieuses, il se refuse à accomplir le sacrifice qui assurerait pourtant la pérennité du milieu (et du genre).
USA, 1991, 2h02; programme n°86