«Main basse sur la ville»

    Caméra-stylo, programme n°184 |

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      En partenariat avec le Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel, Passion Cinéma présente un cycle de films qui déclinent de façon originale le thème de la ville au cinéma, doublé du film-concert «Berlin, Symphonie d’une grande ville» et de l’exposition filmée «Pompéi». Composée de longs-métrages et d’événements inédits, cette programmation se veut un prolongement aux questionnements que pose l’exposition «Sa Majesté en Suisse – Neuchâtel et ses princes prussiens», à découvrir au Musée d’Art et d’Histoire, et qui s’intéresse justement aux liens et aux influences qu’exerça Neuchâtel avec des grandes villes, telles que Berlin ou même Paris.

      En plein dans la ville

      D’un point de vue cinématographique, le thème de la ville peut certes paraître galvaudé, tant il semble commode de réunir des films sous un intitulé tel que «Main basse sur la ville». Cela dit, les raisons qui président à cette banalité apparente sont autrement passionnantes, puisque, comme chacun sait, le cinéma se déploie avant tout dans le temps… et dans les villes! Le septième art y est même né conjointement avec l’urbanisation, phénomène mondial en croissance exponentielle depuis l’industrialisation, dont Edison comme les frères Lumière figurent parmi les artisans éminents. En 1895, «L’Arrivée d’un train en gare de…» pénètre l’espace urbain en signalant l’avènement du cinéma. La Ciotat, Lyon et Paris apparaissent tout à coup sur le grand écran du Cinématographe, offrant instantanément une visibilité privilégiée à la ville, si bien que toutes les métropoles du monde accèdent bientôt aux actualités cinématographiques. A Hollywood, une ville-studio va même pousser sur une colline couverte d’une forêt de houx!

      Des cinéastes urbains

      Qu’elle soit reconstituée ou non, réelle ou fictive, la ville appartient désormais aux cinéastes. Fritz Lang en livre sa vision dans le cultissime «Metropolis» en 1927 – une vision en parfaite adéquation avec l’imaginaire collectif, et dont les gratte-ciels vertigineux préfigurent aussi bien les cités actuelles que celles du futur, des appartements-vitrines de «Playtime» aux néons de «Blade Runner», etc. Séance tenante, la ville appartient également au spectateur, lequel s’en construit sa propre représentation par films interposés, avant de partir en week-end à Paris ou ailleurs. Souvent en toile de fond, parfois en ruines au gré de la grande Histoire comme dans «Rome, ville ouverte» ou «Allemagne année zéro», la ville est héroïsée par les cinéastes, sans doute hâtivement qualifiés d’urbains, à commencer par Chaplin…

      Au cinéma avant tout

      Si la ville au cinéma est un mélo à Central Park ou un lifting digital dans Amélie Poulain, elle met dès lors le plus souvent en scène les bas-fonds des films noirs, la drogue, la prostitution, les serials killers, «L’Etrangleur de Boston» et «Taxi Driver», les destructeurs King Kong et Godzilla, les pavés de Mai 68, les explosions des films d’action, la colonisation de «Moi un noir» à Abidjan ou encore les ruines élégiaques sur lesquelles les êtres se meurent ou s’effondrent calmement, comme dans «Still Life» de Jia Zhang Ke. Et Passion Cinéma de nous rappeler que, plus qu’aucun art, le cinéma fait main basse sur la ville!

      Raphaël Chevalley