Les Moutons noirs

de Oliver Rihs
avec Marc Hosemann, Bruno Cathomas, Jule Böwe, Milan Peschel, etc.


Installé à Berlin, le jeune cinéaste suisse Oliver Rihs caressait depuis longtemps le projet de réaliser un film à sketches «punk» qui croquerait à belles dents les idéaux parfois très élevés chers aux adeptes de la contre-culture berlinoise. Graphiste de formation, Rihs a respecté avec une tendre ignominie l’adage «qui aime bien châtie bien». Optant pour un noir et blanc (troué de quelques taches de couleur) ayant le don de mettre à distance le spectateur, il a imaginé cinq historiettes dont l’humour trash met volontairement à mal notre humanisme bon teint… On y découvre un séducteur professionnel tentant d’escroquer une femme carriériste, mais qui est déjoué par son propre sentiment. Plus loin, l’ami alcoolique d’une guide sème la panique dans un groupe de touristes. Tenaillés par leurs hormones, trois jeunes Turcs s’abandonnent à une sexualité débridée qui dépasse un brin leurs espérances. Un duo d’adeptes très débutants du culte de Satan échoue piteusement à inverser le dogme chrétien. Enfin, deux alternatifs ont bien de la peine à se soumettre à la loi pourtant impérative de leur désir, malgré la théorie…

Tourné à l’arraché en DV (abréviation du terme Digital Video) et sans l’ombre d’une subvention fédérale, «Les Moutons noirs» passe à une moulinette affectueuse homos, immigrés, utopistes, militants, libertaires et grands-mères. Avec une impertinence formelle lorgnant manifestement du côté de Tarantino, le cinéaste moqueur feint de filmer sans foi ni loi ce microcosme très instable. Interprété par le gratin des grands espoirs du cinéma allemand, ce deuxième long-métrage d’une drôlerie indéniable fait un sort radical à la vieille question réactivée par le très récent avènement de la notion du «politiquement correct»: peut-on vraiment rire de tout?
SCHWARZE SCHAFE, Allemagne / Suisse, 2007, noir et blanc, 1h34, programme n°149