Les Filles du docteur March

De Simone de Beauvoir à J.K. Rowling, en passant par Patti Smith, moult écrivaines ont été inspirées par les quatre sœurs imaginées par la romancière Louisa May Alcott en 1868. Plusieurs cinéastes, dont Georges Cukor en 1933, s’en sont aussi emparés, avec des fortunes très diverses.

Après son remarquable «Lady Bird» (2018), l’actrice et réalisatrice Greta Gerwig adapte à son tour ce classique de la littérature étasunienne, avec le concours d’un quatuor de comédiennes étincelantes. Elle en révèle le féminisme latent que May Alcott avait un brin enfoui sous une pelletée de (trop) bons sentiments, instillant une critique délicatement voilée du roman.

Procédant par le biais d’une structure narrative qui joue habilement avec le temps, elle confère à son adaptation une dimension mélancolique d’une cruauté feutrée: les infortunes du présent démentant les promesses d’épanouissement du passé. Face à des hommes condescendants, les sœurs s’efforcent chacune de s’accomplir en dépit du carcan de l’époque. Jo (Saoirse Ronan) s’adonne à l’écriture, Amy(Florence Pugh) à la peinture, Beth (Eliza Scanlon) au piano, alors que Meg (Emma Watson) veut simplement briller en société.

Avec grâce et sensibilité, la cinéaste restitue leurs tentatives d’affranchissement, lequel n’allait vraiment pas de soi, à l’exemple de l’éditeur de Jo qui exige de son autrice qu’elle marie sa protagoniste à la fin de son roman, ou alors qu’elle la fasse mourir… Des plus salutaires, une ode vibrante à la vitalité féminine.

Little Women
de Greta Gerwig
Etats-Unis, 2019, 2h15