«Les Amériques de Coppola»

Caméra-stylo, programme n°65 |

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Né en 1939, à Détroit, Coppola découvre sa vocation à l’âge de dix ans: cloué au lit par la poliomyélite, il s’épuise à monter et à synchroniser avec un magnétophone les films d’amateur tournés par ses proches. Ce détail d’une biographie combien mouvementée en vaut un autre pour témoigner de la volonté extraordinaire qui a animé et anime encore aujourd’hui l’auteur du «Parrain». Activiste en chef de la nouvelle vague hollywoodienne liée aux années 70 (qui produisit les Cimino, De Palma, Lucas, Scorsese, Spielberg), Coppola condense sur sa personne la destinée tempétueuse de toute une génération d’auteurs qui rêvèrent de prendre les commandes de l’industrie américaine cinématographique.

«Orson Hugues»

Formé à l’école du producteur Roger Corman, le pape de la série Z, Coppola apprend le métier avec quelques courts métrages «érotiques» ou en remontant des films d’aventures soviétiques. Après «Dementia 13» (1963), un premier long métrage fantastique, il établit un plan de carrière censé lui éviter les avanies subies par le cinéaste auquel il s’identifie le plus, le génial Orson Welles dont l’intransigeance effraya Hollywood. Engagé par la compagnie Seven Arts, Coppola se fait d’abord un nom dans le domaine du scénario qui suppose tout un art du compromis. Avant de revenir à la réalisation, il fonde en 1969 sa propre compagnie de production, American Zoetrope, qui, espère-t-il, lui permettra de concurrencer les «majors» hollywoodiennes.
Prenant exemple sur le magnat de la presse Howard Hugues, Coppola vise alors le contrôle absolu, exerce un pouvoir personnel quasi tyrannique. Cette volonté l’amène à employer des nouvelles technologies (la vidéo) avant tous les autres. Commence alors un bras de fer avec Hollywood, qui connaît des hauteurs sublimes — le succès public du «Parrain», la reconnaissance critique avec «Apocalypse Now» — et des bas retentissants (la vente aux enchères d’American Zoetrope en 1983). Tenace, Coppola renaît de ses cendres avec une facilité déconcertante: après l’avoir voué aux gémonies, les «Majors», ses ennemis héréditaires, finissent par avoir recours à son savoir-faire exceptionnel; ce qui explique pourquoi, à l’heure actuelle, l’auteur de «Rumble Fish» tourne encore et toujours.

Une œuvre prototype

Dans un entretien accordé aux Cahiers du Cinéma, Coppola a défini sa démarche en ces termes: «Mon travail, mon œuvre, n’est peut-être qu’une série de prototypes dont on comprendra le sens dans une trentaine d’années, avec le recul. La continuité est difficile à saisir pour l’instant. Mais tout ce que je fais a une certaine unité dans mon esprit, à longue échéance».

Vincent Adatte