Le Voyage du ballon rouge

Cannes 07, en compétition |
de Hou Hsiao-hsien |
avec Juliette Binoche, Simon Iteanu, Fang Song, Hippolyte Girardot, etc.


Invité par le Musée d’Orsay à réaliser un film pour fêter les vingt ans de l’établissement, le grand cinéaste taiwanais Hou Hsiao-hsien a exécuté la commande avec une liberté ahurissante, tout en respectant l’unique contrainte donnée par ses commanditaires, lesquels exigeaient qu’une scène au moins soit tournée à Orsay, si possible en référence à un tableau. Jetant son dévolu sur un Vallotton peint en 1899 et intitulé «Le Ballon», le réalisateur de «Three Times» (2005) a fait aussitôt le lien avec «Le Ballon rouge» d’Albert Lamorisse, l’un des rares chefs-d’œuvre du cinéma pour enfants d’après-guerre. Pour autant, «Le Voyage du ballon rouge» n’est pas du tout un remake… A dire vrai, ce film subtil, mais fragile comme le cristal, ne s’apparente à rien de connu. Au risque de se tromper, on dira qu’il s’agit d’une sorte de mise en résonance qui permet au cinéaste de poser sur la vie «française» un regard à la fois distant, tendre et pénétrant.

Comme dans l’original, il y a un petit garçon (ici prénommé Simon). Il n’a plus sa marâtre anonyme, mais une vraie mère, aimante et bordélique (jouée par Juliette Binoche au faîte de sa grâce). Le ballon rouge est au rendez-vous, mais sa présence reste fantomatique, connue du seul Simon… Avec ce «pauvre» matériau, soit presque rien, Hou Hsiao-hsien parvient à capter les vibrations infimes d’une vie de famille, pleine de trous d’air qui disent toute une série de manques très contemporains, sans en faire autant de drames. Le ballon rouge se charge, comme autrefois chez Lamorisse, de combler les absences! Le génie du cinéaste est tel qu’il réussit même à nous montrer ce qui a changé avec l’avènement du numérique. Devenu digital et manipulable à merci, le cinéma ne peut plus être une preuve de rien, d’où l’inutilité de refaire vraiment «Le Ballon rouge»… Un bijou de mélancolie réflexive!
France, 2007, couleur, 1h53, programme n°150