Le Roi Lion

Grâce au numérique, la firme de feu l’Oncle Walt a trouvé une façon inespérée de revaloriser et de rentabiliser une fois encore les grands classiques qui ont fait sa fortune (après leur édition en VHS puis en DVD et autre Blu-ray). D’une façon soigneusement planifiée, les studios Disney nous en proposent dorénavant des remakes en «live action». Arrêtons-nous un instant sur ce terme qui, pour la circonstance, semble un brin galvaudé, dans le sens où il nous promet de nouvelles versions en prises de vue réelles où évoluent des acteurs·trices en chair et en os.

De fait, il ne s’agit que d’une impression, le «live action» en question n’est en effet que le produit d’un savant triturage d’effets spéciaux dont celui du fameux fond vert qui permet d’incruster les comédien·ne·s dans des décors purement virtuels ou recomposés à partir d’images réelles. Ont déjà passé cette épreuve «Le livre de la jungle», «La belle et la bête», «Dumbo» et «Aladdin», avec des fortunes diverses, le dernier nommé tenant, à notre avis, de l’accident industriel!

Dompté derechef par Jon Favreau, qui avait déjà re-domestiqué avec succès Baloo et Cie avec plus d’un milliard de dollars de recettes à la clef, «Le roi lion» est un poil plus convaincant et surtout pointe, sans doute à son corps défendant, les limites inhérentes à ce genre d’exercice. Sur le plan narratif, sa réactualisation donne la sensation d’un véritable copié-collé, en reprenant telle quelle l’histoire narrée par le dessin animé «artisanal» d’origine, réalisé en un temps (1996) où l’image de synthèse n’était encore de loin pas la panacée… Un parfait duplicata, dialogues compris, hormis que ses protagonistes paraissent cette fois bien réels, comme bondissant d’un documentaire animalier.

Même si nous connaissons déjà le fin mot de l’histoire, nous renouons le cœur serré avec Simba, lionceau de noble lignée qui va devoir batailler ferme pour accéder au trône qui lui était pourtant promis, Scar oblige! Durant quelques minutes, avouons que nous avons été bluffés par la restitution pseudo-réaliste, mais très spectaculaire, des décors du film original, dont le fameux rocher aux lions. Au fil des séquences, s’est toutefois insinuée une sensation gênante de désincarnation, donnant le sentiment que ce bestiaire numérique était somme toute bien moins vivant que son prédécesseur en celluloïd!

Dans leur plan de campagne, les légataires de feu l’oncle Walt ont juste oublié le pouvoir d’expressivité sans égal du dessin animé, ses secrètes vertus anthropomorphiques qui conféraient à ses créatures douées de parole une véritable personnalité, au point que nous leur prêtions nos émotions sans barguigner. Avec les fauves en «live action», cette magie animiste n’opère plus. Dépourvus des signes distinctifs que leur accordait l’exagération cartoonesque, ils sont «bêtement» réalistes, rien de plus. Partant, nous peinons souvent à les différencier, et le fait qu’ils parlent nous apparaît comme une bizarrerie!

de John Favreau
Etats-Unis, 2019, 1h58