Le Pianiste

A voir dimanche 3 septembre 2017 à 21h sur C8 |

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«Le Pianiste» – Palme d’or incontestable du Festival de Cannes en 2002, le film de Polanski a l’inconfort des grands films indispensables. Alors jeune cinéaste tout frais émoulu de l’école de Lodz, Roman Polanski s’était juré de ne jamais tourné un film sur la «Shoah» qui avait anéanti plus de cinq millions de juifs dont ses propres parents (voir notre encadré). A l’approche de la septantaine, Polanski a pourtant rompu ce serment en tournant son dix-huitième long-métrage adapté du récit autobiographique du pianiste juif polonais Wladyslaw Szpilman.

Dès 1945, Szpilman avait décrit dans ses mémoires sa terrible expérience de survivant du ghetto de Varsovie. Mais ce n’est qu’en 1998, lors sa réédition en allemand, que ce témoignage a vraiment fait écho… A la fin de la guerre, les vaincus, victimes et vainqueurs n’étaient sans doute pas prêts à admettre sa description sans fard des conditions effroyables du ghetto imposé par les Nazis.

Qu’est-ce qui a bien pu amener le réalisateur du «Locataire» à «oublier» sa promesse? Sans doute, le ton du récit de Szpilman: à la fois terriblement objectif, empreint d’une grande distance et baigné par un sentiment d’absurdité… Autrement dit, très proche du regard cinématographique que Polanski porte sur les êtres et les choses depuis bientôt cinquante ans – on ne dira jamais assez combien son œuvre porte, en creux, les stigmates des atteintes subies pendant son enfance!

En s’attachant aux pas de plus en plus égarés d’un pianiste virtuose dont le rêve était de jouer Chopin à la perfection, Polanski a réussi un très grand film à découvrir de toute évidence en deux parties. Dans la première, le cinéaste décrit de manière sèche, presque documentaire, les différentes phases de la mise en ghetto du quartier juif de Varsovie. A l’instar du récit de Szpilman, Polanksi ne nous épargne rien de cet épouvantable processus de déshumanisation progressive où les Nazis eurent la suprême perversion de confier les tâches de police à des Juifs. Pris dans la nasse, Szpilman ne se montre pas plus courageux qu’un autre, mais est tout aussi affamé!

Dans la seconde partie, Polanski retrace la dérive absurde du pianiste qui, sauvé par l’un des ses semblables «collabo», est caché par ses admirateurs polonais (et résistants) qui ont réussi à le faire sortir du ghetto. Fuyant de planque en planque, Szpilman devient une sorte de fantôme, un voyeur malgré lui, qui, ironie du sort, sera sauvé par un SS mélomane… Le film atteint alors au sublime: à mille lieux des mensonges pathétiques genre «Liste de Schindler», il prouve l’impossibilité de tout héroïsme au cœur du fantasme (devenu réalité effroyable) de la solution finale.

The Pianist
de Roman Polanski
France / Grande-Bretagne / Allemagne / Pologne, 2002, 2h28