Le Lauréat

A voir dimanche 14 juin 2015 à 23h10 sur RTS Deux |

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De retour chez lui après des études couronnées de succès, le jeune, beau, riche et lisse Benjamin Braddock (Dustin Hoffman) est félicité par ses parents. Une grande réception est organisée en son honneur. C’est là qu’il rencontre une femme plus âgée, la séduisante et possessive Madame Robinson (Anne Bancroft) et devient son amant. Mais les choses se compliquent quand il rencontre Elaine (Katharine Ross), la fille de Madame Robinson, dont il tombe fou amoureux…

Deuxième long-métrage de Mike Nichols, après le fameux thriller «Qui a peur de Virginia Woolf?» qui avait offert à Elizabeth Taylor l’Oscar de la meilleure actrice et marqué les débuts fracassants du réalisateur, «Le Lauréat» provoque avec «Bonnie and Clyde» (1967) d’Arthur Penn un véritable tournant dans l’histoire du cinéma américain, aujourd’hui désigné comme «Nouvel Hollywood». Les cinéastes de l’ère classique voient déferler une vague de jeunes réalisateurs, qui cherchent à définir de nouvelles formes et de nouveaux thèmes cinématographiques, en réaction au travail de leurs aînés.

La censure explose, ouvrant la porte à plus de violence et de sexe. De même, les héros classiques se transforment en personnages imparfaits, largement inspirés du genre humain. Surtout, les films de la Nouvelle Vague française sont à l’affiche des salles américaines, élargissant les perspectives des Mike Nichols, Arthur Penn, Robert Altman, Francis Ford Coppola, Dennis Hopper et autres Jerry Schatzberg, bientôt rejoints par Steven Spielberg, George Lucas, Martin Scorsese et Brian de Palma.

Plus que n’importe quel autre représentant de cette période, «Le Lauréat» témoigne des profonds stigmates que Jean-Luc Godard, François Truffaut, Claude Chabrol, Eric Rohmer et Jacques Rivette ont laissé à leurs homologues américains. Truffé de faux raccords, de très gros plans et mixé de façon expérimentale, le film souligne sa parenté avec la France, tout en revendiquant la nécessité d’un changement radical, joliment symbolisé par l’abandon des traditions instrumentales en termes de musique de film au profit des chansons folk de Simon & Garfunkel.

A l’image de la rupture opérée entre une ancienne et une nouvelle ère cinématographique, Benjamin Braddock incarne un jeune homme pris entre deux eaux: l’enfance et le confort familial d’un côté, l’âge adulte et l’indépendance de l’autre. Ce n’est qu’à travers l’apprentissage du sexe, puis de l’amour, que le jeune homme parvient à régler le conflit générationnel qui le ronge pour devenir un homme. Loin de la grandiloquence et des destins rocambolesques des héros du passé, Benjamin Braddock n’est qu’un jeune homme ordinaire ayant acquis la confiance nécessaire pour franchir le palier de sa vie d’adulte. Et c’est déjà bien assez!

The Graduate
de Mike Nichols
Etats-Unis, 1967, 1h45