Le Daim

Qu’il chante les vertus du botox («Steak»), narre les exactions d’un pneu psychotique («Rubber») ou se gausse du désespoir d’un quidam ayant perdu son chien («Wrong»), Quentin Dupieux n’a pas son pareil pour verser dans l’absurde. Compositeur réputé de musique électro (sous le pseudonyme de Mr Oizo), il s’est fait un grand nom de réalisateur grâce à ses comédies pas piquées des vers. Rebelote avec «Le Daim», où le cinéaste français nous conte une histoire somme toute assez simple: quitté par sa femme, Georges (Jean Dujardin) se retrouve paumé dans un village perché au milieu de nulle part. Là, il achète à prix d’or un blouson en daim. «Style de malade», s’exclame-t-il après avoir enfilé le précieux paletot.

N’en disons pas plus si ce n’est que Georges va croiser la route de Denise (Adèle Haenel), une serveuse aspirante monteuse de films aussi cintrée que lui. Partant, Dupieux déploie son lyrisme proche de la poésie surréaliste, en multipliant les cadrages insolites, à la faveur d’une lumière blafarde et d’une musique minimaliste en parfaite harmonie avec le récit. C’est que le cinéaste cultive une véritable patte d’auteur, dont il défend la liberté dans «Le daim» grâce à une mise en abyme fort bien menée à propos des métiers de réalisateur et de monteuse.

La patte surréaliste de Dupieux, on la retrouve quand il relate les frasques de flics ripoux («Wrong Cops»), dégèle les ambitions d’un cinéaste amateur («Réalité») ou déboulonne de manière hilarante le polar à la française («Au poste!»). Mais à la différence de ces films-là, qui ont le don de dérégler la banalité du monde en contaminant le réel par l’étrange, «Le Daim» surprend par sa vraisemblance. Bien qu’il nous plonge dans un lieu et une époque difficilement repérables (un village des Pyrénées dans les années 1990, semble-t-il), le film reste en effet ancré dans le réel. Seuls les personnages principaux sont en proie à la folie. Les performances de Dujardin et Haenel se révèlent dès lors essentielles. Force est de constater qu’ils excellent, tant ils s’emparent de la démence, de la perversité ou de la solitude d’un simple regard, sans jamais surjouer, effarant ainsi la comédie de Dupieux toute entière!

de Quentin Dupieux
France/Belgique, 2019, 1h17