«L’Autre Moitié»

Troisième long-métrage de fiction du cinéaste suisse Rolando Colla, «L’Autre Moitié» (2008) inscrit et dénoue son drame dans les paysages très ouverts du Jura neuchâtelois. Porté par un remarquable duo d’acteurs primé au festival d’Amiens, ce thriller identitaire décrit des retrouvailles entre frères plutôt tendues…

De mère suisse et de père algérien, Hamid (Abel Jafri) et Louis (Kader Boukhanef) ont été séparés depuis l’enfance. Elevé en Algérie par son père, Hamid effectue des transferts de fonds illégaux entre Bruxelles et Genève. Proche des islamistes, il ne peut plus rentrer dans son pays où il a été emprisonné et vit sous la menace permanente d’une expulsion. De passage à Bruxelles, il reçoit plusieurs appels téléphoniques d’un homme qui prétend être son frère, élevé en Suisse par sa mère. Pensant que c’est un piège de la police, Hamid se montre soupçonneux, mais l’homme insiste et lui apprend que leur mère est mourante. Ebranlé, Hamid se rend en Suisse où Louis l’attend, le cœur battant… au buffet de la gare de Neuchâtel.

Instaurant un climat paranoïaque qui traduit à merveille la difficile intégration endurée par les personnes de la communauté musulmane, le cinéaste joue sans angélisme la carte du thriller, ce qui confère aux paysages hivernaux de la vallée de La Sagne une étrangeté fascinante… «Je connais très bien la région», expliquait Rolando Colla lors de la première mondiale de son film à La Chaux-de-Fonds. «J’aime énormément ces paysages plats, ces hauts plateaux qui semblent un peu perdus. Et en même temps, on voit l’horizon. C’est très intéressant et, surtout, très cinématographique!».

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A propos de Rolando Colla
Né en 1957 à Schaffhouse, de parents italiens immigrés, Rolando Colla tourne depuis presque quatre décennies des longs-métrages de fiction, des téléfilms, des documentaires, sans oublier une collection de courts-métrages sur le thème de la protestation qui a fait le bonheur d’une ribambelle de festivals. Fondateur en 1984 de la société Peacock Film, le cinéaste ne craint pas de saisir à bras-le-corps des thèmes plutôt «casse-gueule»…

Dans «Le Monde à l’envers» (1998), primé à Locarno par le Jury des jeunes, il narre l’émancipation d’une jeune femme du siècle des Lumières contrainte de se déguiser en homme pour réaliser ses aspirations. Tourné à l’arraché, «Oltre in confine» (2002) nous fait vivre de l’intérieur les conséquences du conflit bosniaque. Ce film dont l’action est située en 1993, retrace l’histoire d’un sans-papier qui tente de se réfugier en Suisse, et dénonce la dureté avec laquelle les autorités suisses peuvent refouler les demandeurs l’asile.

Après «L’Autre Moitié», Rolando Colla acquiert une nouvelle stature avec «Jeux d’été» (2011), l’un des plus beaux films suisses sur le passage à l’adolescence, qui multiplie les distinctions – prestigieuses sélections à Venise et Toronto, nomination à l’Oscar du meilleur film étranger, et Quartz du meilleur film de fiction, meilleur scénario et meilleure photographie aux Prix du cinéma suisse en 2012. Dans une nature solaire et sublime, le cinéaste capte la vivacité des corps préadolescents qu’il confronte à ceux des adultes, lourds de ressentiment. Loin de béatifier l’innocence de l’enfance, il en révèle la cruauté mimétique et la loi déjà impérieuse du désir qui la gouverne. Après «Sette Giorni» (2016), une romance portée par Bruno Todeschini, Rolando Colla nous revient avec son documentaire «W. – Was von der Lüge bleibt», le portrait d’un imposteur de haut vol qui s’est inventé une enfance dans un camp de concentration nazi, présenté aux dernières Journées de Soleure.