La Vie de bohème

de Aki Kaurismäki |
avec André Wilms, Matti Pellonpää, Evelyne Didi, Kari Väänänen, Jean-Pierre Léaud, Christine Muiiilo, Louis Malle, Samuel Fuller, etc.

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      Dès sa «trilogie prolétarienne» Aki Kaurismäki a cherché une forme de vérité cinématographique, apparemment contredite par la simplicité presque abstraite de ses images, toujours teintées — par le son en particulier — d’une certaine ironie. Ainsi, à l’arc-en-ciel du rêve américain chanté par Judy Garland à la fin de «Ariel» répondent aujourd’hui les gueulantes parisiennes de Damia ou Reggiani de «La Vie de bohème», son onzième long métrage. Et à la chronique d’un pays triste, à l’agonie, répond aujourd’hui une œuvre d’autant plus symbolique qu’elle est sans lieu et sans temps. Comme si Kaurismäki s’était mis à croire aux rêves de ses personnages, son ironie s’est peu à peu estompée et ses personnages adhèrent réellement à l’amour qu’ils appellent de tous leurs vœux.
      Artistes paumés, bonshommes perdus en voie de clochardisation, les «bohémiens» de son dernier film n’ont plus grand-chose à voir avec les jeunes maudits — plein d’espoir — de Puccini (ou même du roman de Henri Murger, Scènes de la vie de bohème, dont le cinéaste s’inspire): du côté de la cinquantaine, ces créatures de cinéma d’antant (le Paris noir et blanc de Carné et Prévert) sont des figures internationales (un peintre albanais, un écrivain français et un compositeur irlandais) pour qui la vie n’a d’autre fonction que celle d’être vécue (tant bien que mal).
      Cela jusqu’au jour où Mesdames Mimi et Musette apparaissent dans leur existence. Car, porteuses d’amour (mais aussi, à leur manière, d’ambition), elle vont transformer ces «bohémiens» en êtres plus responsables, le peintre faisant enfin commerce de son œuvre jusqu’à ce que mort — tragique — s’ensuive.
      Sous l’apparente naïveté du propos, dans ce Paris sans âge, comédiens finlandais (Matti Pellonpää, Kari Väänänen) et français (André Wilms, Evelyne Didi) échangent leurs idées du monde dans un sabir à peu près francophone qui dénote bien le goût de Kaurismäki pour la communication: car derrière cette «Vie de bohème» de mélodramatique allure se cache une délicieuse opérette sur les échanges, le commerce, l’art, la parole et… le cinéma.
      France / Finlande, 1992, 1h40, couleur; programme n°10