La Belle et la Bête

A voir dimanche 26 mars 2017 à 22h35 sur Gulli |

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«Un rêve dormi debout». L’expression est de Jean Cocteau. Le poète l’a forgée pour l’appliquer à son film le plus célèbre. Malgré les années et l’aspect un peu suranné de son interprétation, «La Belle et la Bête» ensorcelle toujours son spectateur. A quelle mystérieuse alchimie doit-on ce charme qui opère encore?

Le récit moral de Mme de Baumont permet à Cocteau de recouvrir «les récifs des fantasmes du bain lustral de l’enfance», mais sans pour autant verser dans l’édification. Il modifie la fin du conte dans ce sens, en supprimant la Fée bienfaisante qui distribuait les bons et les mauvais points, laissant aux personnages le soin de forcer leur destin. En faisant jouer par le même acteur (Jean Marais) les rôles de la Bête, du Prince et d’Avenant, le courtisan intéressé, il crée une équivoque qui redouble en l’inversant le thème des «apparences trompeuses»…

Mais, assurément, toutes ces savantes considérations restent impuissantes à vraiment percer le secret du charme immortel de «La Belle et la Bête». Est-ce la voix de la Bête, «Une voix d’infirme, de monstre douloureux», comme l’a écrit Cocteau? Les cariatides et chandeliers vivants du maître décorateur Bérard, qui, encore aujourd’hui, font la nique au nec plus ultra des technologies numériques? La lumière sublime du génial Henri Alekan qui a su créer un univers fantastique «imposant le silence au scepticisme et l’incrédulité». La musique de Georges Auric, euphorique, au point de conférer au film entier une allégresse angoissante? Un tournage commencé le dimanche 26 août, le lendemain même de La Libération de Paris, dont Cocteau dit lui-même qu’il «incarna l’harmonie même»?

de Jean Cocteau
Luxembourg / France, 1946, 1h36