Ilo Ilo

A voir en DVD!

Découvert au Festival de Cannes en 2007 dans le cadre de la compétition de courts-métrages, le jeune Singapourien Anthony Chen y a reçu en mai 2014 une Caméra d’or à Cannes amplement méritée, laquelle est décernée chaque année à la meilleure première œuvre toutes sections confondues. Et pour cause! Inspiré de sa propre enfance, et plus particulièrement de sa nounou qui venait de la province de Ilo Ilo aux Philippines, son premier long-métrage raconte, avec une justesse et une douceur infinies, une crise familiale sur fond de crise économique dans un Singapour immaculé et déshumanisé.

Situant son récit au début du crash boursier asiatique de 1997, provoqué par la spéculation et le surinvestissement, le cinéaste se sert à merveille de la blancheur des immeubles et de la propreté illusoire de la «ville-jardin». Il en restitue la vie très ordonnée, ainsi que les contraintes de travail rigides et dégradantes des Singapouriens – mais en laissant l’autorité de l’Etat et la violence des rapports de classe en arrière-fond, à la faveur d’une caméra aussi observatrice et discrète que révélatrice…

Les parents de Jiale sont débordés et ne savent plus quoi faire de leur turbulente progéniture. Intenable à l’école comme à la maison, le gamin nourrit sans arrêt son Tamagotchi ou passe son temps à découper les résultats du loto, espérant dénicher les combinaisons gagnantes. Enceinte, la mère est secrétaire de direction et rédige quantité de lettres de licenciement, tandis que le père croule sous les échecs professionnels.

Pour s’occuper de Jiale et soulager leur labeur, le couple engage alors Teresa, une fille au pair et femme de ménage venue des Philippines. Peu à peu, la nounou et l’enfant nouent une relation de confiance, dont Anthony Chen détaille le cours tumultueux, afin d’en révéler les motifs: l’isolement, le manque affectif et les injustices de la part d’adultes mesquins mais désespérément humains et victimes du «système». Suivant le quotidien de cette famille singapourienne ordinaire, le cinéaste traduit les sentiments de chaque personnage, de la jalousie de la mère envers la domestique au désarroi du père en passant par les humiliations dont est victime l’employée de maison. En toile de fond, la crise cause des ravages, provoque des suicides. Dès lors, cette épopée intimiste se double d’une dimension métaphorique universelle.

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Epicentre Films Editions