«Humains, trop humains?»

    Caméra-stylo, programme n°200 |

      En collaboration avec le Cinéma La Grange et les nouvelles salles Cinemont, Passion Cinéma lance ses activités à Delémont avec un premier cycle de films d’auteur symptomatiques de la complexité de notre humanité! Nanni Moretti, Joachim Trier et Marcia Tambutti Allende abordent chacun à leur manière les thèmes humains par excellence de la filiation et du deuil: sans pathos dans «Mia Madre», avec émotion dans «Plus fort que les bombes» et intimité dans «Allende, mi abuelo allende». Et Grímur Hákonarson de sublimer la fraternité avec «Béliers», tandis que «Pepe Mujica» et «Demain» redonnent espoir en l’humanité et les frères Larrieu nous font renouer avec le désir dans «21 Nuits avec Pattie»… Décidément, l’être humain est bien trop humain!

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      Vous tenez entre vos mains le deux-centième numéro du journal de Passion Cinéma! Pour mémoire, notre opuscule consacré au cinéma d’auteur a paru pour la toute première fois en septembre 1992, dans le cadre d’un cycle consacré à l’immense cinéaste danois Carl Theodor Dreyer (1889-1968), hélas un brin oublié au jour d’aujourd’hui! Si nous nous montrions très heureux de cette édition inaugurale, nous étions par contre fort loin de nous douter que nous serions encore occupés quelque vingt-trois ans plus tard à noircir avec enthousiasme ses colonnes! Durant ce même laps de temps, l’habillage du journal aura varié à quatre reprises et s’apprête encore à le faire début 2016, à l’occasion du développement à Delémont des activités de Passion Cinéma qui, là-bas, prendra ses quartiers tant au Cinéma La Grange que dans les quatre magnifiques salles de Cinemont qui viennent d’ouvrir. En phase avec notre époque numérisée, nous avons aussi développé un site Internet consulté loin à la ronde qui, outre de détailler nos cycles thématiques, se fait l’écho de l’actualité cinématographique, tout en répertoriant les films de qualité diffusés sur le petit écran.

      Accentueur de visibilité

      Sur le plan de la programmation, notre stratégie a aussi évolué d’une façon qui illustre bien le changement d’attitude du cinéphile quant à ses habitudes de «goûter» le cinéma en salles. Dans les premières années, un cycle d’incunables dédié au regretté Fassbinder attirait la foule. Aujourd’hui, les reprises sur «grand écran» ne semblent plus guère ensorceler le public, à quelques exceptions près comme les projections de Cinedolcevita (promises à un bel avenir). Le spectateur actuel préfère acheter le DVD ou passer par la VoD, sans parler des chaînes de télévision spécialisées et vouées au seul cinéma, qui se sont multipliées comme des petits pains. Adieu donc à Renoir, Pialat ou Ozu, à moins qu’une pétition signée par mille cinéphiles déchaînés nous les réclame! Outre Le Festival du Sud, nous nous concentrons aujourd’hui sur la promotion et la valorisation de films contemporains que les distributeurs et exploitants hésiteraient peut-être à sortir sans la plus-value que représente Passion Cinéma. Croyez-nous, cette mission est tout aussi exaltante et nécessaire, surtout quand elle vise à rendre plus visible une œuvre aussi essentielle que la trilogie des «Mille et Une Nuits» du Portugais Miguel Gomes ou le documentaire «Une Jeunesse allemande» de Jean-Gabriel Périot.

      Le cinéma qui rend humain

      Pour cette deux-centième édition, nous avons jeté notre dévolu cinéphile sur un cycle qui célèbre la capacité exceptionnelle du cinéma à nous restituer notre part d’humanité. Bien loin de bêler un humanisme bêtement fédérateur qui ne sert à rien, sinon à nous réconforter, nous avons choisi des films troublants dans leur manière de reposer des questions fondamentales sur la filiation, le deuil, l’amour, la transmission, l’empathie, le désir. Autant d’interrogations a priori complètement «bateau» et médiatiquement épuisées, mais qui, traitées par des cinéastes créateurs comme Nanni Moretti, Hirokazu Kore-eda ou les frères Larrieu, retrouvent toute leur complexité perturbante, à même de nous extirper de notre zone de confort, pour reprendre l’une des expressions favorites de nos psychologues de magazine!

      Vincent Adatte