Funny Games U.S.

de Michael Haneke
avec Naomi Watts, Tim Roth, Michael Pitt, Brady Corbet, etc.


Par une coïncidence très heureuse, Passion Cinéma a pu intégrer dans son programme la dernière œuvre en date du réalisateur autrichien Michael Haneke qui est sans doute le cinéaste au monde qui a le plus creusé la notion de responsabilité du spectateur. Autre coïncidence (encore plus heureuse), «Funny Games U.S.» constitue le remake «américain» du film le plus controversé (sinon le plus sain) de son auteur. Tournée en 1997, la première version de «Funny Games» a fait scandale à Cannes, les pauvres journalistes saisissant mal cette dénonciation pourtant magistrale de l’impact de la représentation de la violence par les médias. Réalisé après sa trilogie dite de la «glaciation émotionnelle» (causée par notre déconnexion de plus en plus avérée du réel), «Jeux amusants» montrait comment deux jeunes gens, manifestement très bien élevés, séquestraient, torturaient puis tuaient sans aucun mobile une famille aisée ordinaire. Interpellé par la déréalisation généralisée de la violence à l’écran, le réalisateur de «La Pianiste» (2001) prenait le spectateur voyeur à son propre piège, le contraignant à s’interroger sur son rôle dans l’affaire, sinon sa complicité.

Dix ans plus tard, Haneke a décidé de réaliser le «remake» américain de «Funny Games», conscient que son premier film n’a pas atteint le public auquel il était destiné. S’entourant d’acteurs médiatiques, il a tourné une nouvelle version très fidèle à l’original, souvent au plan près. Le cinéaste ne fait pas mystère de sa motivation: entretenu par la multiplicité des écrans, le désir de violence du spectateur a pris des proportions inouïes, il s’agit donc de répondre avec encore plus de force, d’exercer en retour sur le public toute la cruauté nécessaire pour que la «cure» réussisse peut-être. Que l’on ne s’y trompe pas, «Funny Games U.S.» prend le contre-pied salubre de produits horrifiques franchisés comme «Saw» ou «Hostel», fonctionnant tel un antidote.
France / Grande-Bretagne / Autriche, 2008, couleur, 1h51, programme n°149