«Francis Ford Coppola: pour et contre Hollywood»

Caméra-stylo, programme n°47 |


Né en 1939, à Détroit, Coppola découvre sa vocation à l’âge de dix ans: cloué au lit par la poliomyélite, il s’épuise à monter et à synchroniser avec un magnétophone les films d’amateur tournés par ses proches. Ce détail d’une biographie combien mouvementée en vaut un autre pour témoigner de la volonté extraordinaire qui a animé et anime encore aujourd’hui l’auteur de «Apocalypse Now». Activiste n°1 de la Nouvelle Vague hollywoodienne liée aux années 70 (qui «produisit» les Cimino, De Palma, Lucas, Scorsese, Spielberg), Coppola condense sur sa personne la destinée tempétueuse de toute une génération d’auteurs qui rêvèrent de prendre les commandes de l’industrie américaine cinématographique.

Formé à l’école du producteur Roger Corman, le pape de la série Z, Coppola apprend le métier avec quelques courts métrages «érotiques» et en remontant des films d’aventures soviétiques. Après «Dementia 13» (1963), un premier long métrage fantastique, il établit un plan de carrière sensé lui éviter les avanies subies par le cinéaste auquel il s’identifie le plus, le génial Orson Welles dont l’intransigeance effraya Hollywood. Engagé par la compagnie Seven Arts, Coppola se fait d’abord un nom dans le domaine du scénario qui est, comme chacun sait, un art du compromis — pour des cinéastes comme J. Huston ou S. Pollack. Avant de revenir à la réalisation, il fonde sa propre compagnie de production American Zoetrope, qui, espère-t-il, lui permettra de narguer les grandes compagnies hollywoodiennes.

Prenant exemple sur le magnat de la presse Howard Hugues, Coppola vise alors le contrôle absolu, exerce un pouvoir personnel quasi tyrannique. Cette volonté l’amène à employer des nouvelles technologies (la vidéo) avant tous les autres. Commence alors un bras de fer avec Hollywood, qui connaît des hauteurs sublimes (le succès public du «Parrain», la reconnaissance critique avec «Apocalypse Now») et des bas retentissants (la vente aux enchères d’American Zoetrope en 1983). Tenace, Coppola renaît de ses cendres avec une facilité déconcertante: après l’avoir voué aux gémonies, les «Majors», ses ennemis «héréditaires», finissent par avoir recours à son savoir-faire; ce qui explique pourquoi, à l’heure actuelle, l’auteur de «Rumble Fish» tourne encore et toujours.

A l’opposé de Scorsese qui s’efforce de faire passer dans son cinéma son point de vue sur le «monde», Coppola cultive autrement la notion d’auteur: à l’entendre, ses films doivent refléter les conditions dans lesquels ils sont produits et réalisés, ce avec toutes les contradictions que cela suppose — c’est pourquoi des œuvres comme «Tucker» ou «Le Parrain III» sont indissociables des démêlés contradictoires opposant Coppola au «système».

Vincent Adatte