Everybody Knows

Cannes 2018, film d’ouverture, en compétition
de Asghar Farhadi
avec Penélope Cruz, Javier Bardem, Bárbara Lennie, etc.

Alors qu’en Iran les étudiants manifestent à nouveau contre la République islamique, Asghar Farhadi continue de semer, par films interposés, les ferments de la liberté à laquelle aspirent les générations bafouées. Dans «A propos d’Elly» et «Une Séparation», le cinéaste iranien faisait ressortir le conformisme et le puritanisme de l’Iran totalitaire. Bien que tourné en France, «Le Passé» s’inscrivait dans la lignée de ses œuvres précédentes, en révélant les contraintes que la société impose aux familles.

Après «Le client», tourné en Iran en rusant avec la censure et récompensé à Cannes par le Prix d’interprétation masculine et celui du scénario, le cinéaste a réalisé en Espagne «Everybody Knows», présenté hier soir en ouverture et en compétition au Festival de Cannes. Porté par deux acteurs complices et remarquables, Penélope Cruz et Javier Bardem, ce nouveau film constitue un grand portrait de famille, en forme de thriller, qui dévoile habilement l’égo et la corruption des hommes.

Partie de Buenos Aires, Laura (Cruz) retourne avec ses enfants dans son village natal en Espagne, pour fêter le mariage de sa sœur. Elle y retrouve Paco (Bardem), son amour de jeunesse, à qui elle avait vendu des terres, qu’il a pris soin de transformer en domaine viticole avec son épouse. Alors que la fête bat son plein, un drame survient et fait voler toute la famille en éclats… Pour préserver le suspense, n’en disons pas plus, sinon que le film s’ouvre sur les images d’un mécanisme de cloches d’église bien rôdé, qui annonce le dérèglement à venir.

En effet, les rouages apparemment bien huilés de la famille aimante et pleine de vie s’enrayent peu à peu et se mettent à dysfonctionner. Si l’introduction semble un brin didactique, Asghar Farhadi a tôt fait d’entraîner le spectateur sur des chemins de traverse, dans lesquels les personnages finissent par s’égarer. Grand maître de la mise en scène et des intrigues à tiroirs, il dynamite les certitudes du spectateur et se joue avec brio de la longueur d’avance que ce dernier pense avoir sur chaque personnage, qu’il croit coupable, et puis non… Multipliant les faux semblants et les rebondissements, ce thriller composé au cordeau dispense alors une véritable leçon d’écriture scénaristique et de suspense!

TODOS LO SABEN, Espagne / France / Italie, 2018, couleur, 2h10, programme n°220 et n°13 (Delémont)