Eo

Cannes 2022, Prix du Jury |

de Jerzy Skolimowski
avec Sandra Drzymalska, Lorenzo Zurzolo, Isabelle Huppert, etc.

Immense réalisateur s’il en est, Jerzy Skolimowski signe à 84 ans un film stupéfiant, un ovni cinématographique qu’il dit inspiré du chef-d’œuvre de Robert Bresson «Au hasard Balthazar» (1966), seul film qui l’aura fait pleurer! En polonais, Eo est semble-t-il une onomatopée, l’équivalent de notre hi-han. Mais c’est aussi le nom du bouleversant petit âne sarde qui, s’échappant d’un cirque en faillite, fait honneur à la réputation têtue qu’on lui prête. Entêté à vivre et à rien d’autre, Eo bondit au-dessus des barrières, s’enfuit dans ses rêves rouges sang, s’engageant dans un périple sans retour, qui le conduira dans les bas-fonds de l’humanité. En chemin, il croise un chauffeur routier, une migrante africaine, une équipe de foot trop prompte à en faire sa mascotte, un jeune curé pressentant sa sainteté et son martyre, jusqu’à une aristo sadique jouée par Isabelle Huppert… Avec une liberté formelle inouïe, le réalisateur de «Deep End» et «Travail au noir» nous contraint à reconsidérer notre pseudo-humanité par le biais de l’œil humide de son ineffable protagoniste, faisant un sort à l’anthropomorphisme aveugle dont a résulté le saccage inéluctable de la nature. Outre le Prix du Jury attribué au film, les six ânes qui ont prêté leurs oreilles à Eo auraient tous mérité un Prix d’interprétation à Cannes!

Pologne / Italie, 2022, couleur, 1h26, programme n°254