Enemies, une histoire d’amour

de Paul Mazursky |
avec Ron Silver, Lena Olin, Angelica Huston, Margaret Sophie Stein, Paul Mazursky, etc.

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    Né en 1930, à New-York, le cinéaste Paul Mazursky tient une place à part dans le cinéma américain contemporain: bien intégré au système hollywoodien, il peut mener à terme des comédies absolument conformes, à l’exemple du «Clochard de Beverly Hills» (1986), puis, soudain, faire entendre sa «musique» la plus intime, avec l’atypique «Moscou à New-York» (1984) ou ce chef-d’œuvre discret que constitue «Enemies, une histoire d’amour» (1989).
    Adapté du roman homonyme de l’écrivain juif américain Isaac Bashevis Singer, le 12ème long métrage de Mazursky traite avec un toucher inégalable du plus douloureux, du plus interminable des processus d’intégration: celui engagé par les survivants des camps de concentration nazis; émigrés aux Etats-Unis, ces survivants s’efforcent d’oublier l’inoubliable en se fondant dans le boom économique des années cinquante.
    «Enemies, une histoire d’amour» commence comme un vaudeville: Hermann (Ron Silver), a réchappé du génocide en se cachant dans une grange; il en a conçu un sentiment de culpabilité insidieux qui l’empêche de recouvrer la paix de l’âme. Avant d’émigrer à New-York, il a épousé par gratitude Yadwiga (Margaret Sophie Stein), la fille des paysans qui l’ont caché durant la guerre. Insatisfait, il mène une double vie inconfortable en vivant une relation tumultueuse avec Masha (Lena Olin), une juive qui, elle, a vécu l’enfer des camps. Pour compliquer le tout, Tamara (Angelica Huston) la première femme d’Hermann, qu’il croyait disparue à Treblinka ou à Dachau, fait sa réapparition — selon Singer, ce type de situation fut très courant dans la communauté juive new-yorkaise de l’immédiate après-guerre.
    Indifférent au tour inextricable que prend son état civil, Hermann épouse les pas fantomatiques de Masha, la «vraie survivante», comme si sa compagnie lui permettait de conjurer le terrible sentiment de ne pas être mort «avec les autres». Avec un humour cinglant, Mazursky révèle, sans exhiber un seul charnier, les effets dévastateurs de la plus grande entreprise de négation de l’être humain jamais entreprise; filmant l’impossibilité radicale d’un après-Auschwitz pour ceux et celles qui eurent le malheur de survivre!

    ENEMIES, A LOVE STORY, Etats-Unis,1989, 2h20, couleur; programme n°26