«En français dans le texte»

    Caméra-stylo, programme n°191 |

      En marge du Festival du Film Français d’Helvétie à Bienne (FFFH), Passion Cinéma célèbre la vitalité du cinéma francophone en programmant pas moins de 9 films en grande première! Du biopic troublant de Bertrand Bonello sur Yves Saint Laurent à l’adaptation de «Gemma Bovery» par Anne Fontaine, en passant par le portrait de Sankara signé Christophe Cupelin et le nouveau documentaire poignant de Fernand Melgar, sans oublier les films d’auteur d’Olivier Assayas, Benoît Jacquot et du jeune trio de «Party Girl», ou encore la comédie façon Jean Becker et le premier long-métrage électrisant de Thomas Cailley, le cinéma «En français dans le texte» nous est toujours aussi indispensable!

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      «En français dans le texte», le cycle de rentrée de Passion Cinéma, précède de trois semaines la dixième édition du Festival du Film Français d’Helvétie (FFFH), qui aura lieu du 17 au 21 septembre à Bienne, et que les cinéphiles neuchâtelois se devraient de mieux fréquenter en regard de la qualité de sa programmation et de ses invités. Ces dernières années, le FFFH peut se targuer d’avoir accueilli des personnalités comme Nicolas Philibert, Jean-Pierre Darroussin, Olivier Gourmet, Otar Iosseliani, Ursula Meier, André Dussollier, Gilbert Melki, Robert Guédiguian, Tahar Rahim, Olivier Assayas, Joachim Lafosse ou encore Valeria Bruni Tedeschi, j’en passe et des meilleurs, en attendant Lucas Belvaux qui viendra dans la cité bilingue pour une rencontre émaillée de nombreux extraits de ses films.

      Production en baisse

      En neuf films inédits, Passion Cinéma va donc reprendre le pouls enfiévré du cinéma français avec des films réalisés tant par des réalisateurs confirmés (Olivier Assayas, Bertrand Bonello, Anne Fontaine) que des talents émergents, avec un détour par la Suisse romande, dont le cinéma a toujours été boosté par le modèle tricolore. En comparaison de ses voisins européens, le foisonnement créatif qui prévaut en France reste toujours aussi exceptionnel. Las, certains signes dénotent une évolution qui ne laisse pas d’inquiéter! Le nombre de films en production dans l’Hexagone est en effet sérieusement en baisse. La crise économique qui sévit chez nos voisins n’explique pas tout… Bras de levier indispensable, les chaînes de télévision rechignent désormais à soutenir le cinéma, préférant investir dans les séries, à témoin la nouvelle politique en la matière de Canal+, longtemps considérée comme la chaîne du cinéma!

      Le triomphe d’Adèle

      De plus, comme l’ont dénoncé certains producteurs atteints de lucidité fulgurante, les acteurs «connus» sont un brin surpayés, à l’exemple de Dany Boon qui a touché un cachet de 3,2 millions d’euros pour sa performance dans «Eyjafjallajökull», alors que le film en a coûté 20 et n’a de loin pas remboursé ses investisseurs cathodiques… Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que ces derniers veuillent se désengager! Les chiffres sont cruels: sur 200 films sortis en 2013, seuls 20 auront été réellement rentables, au point que l’industrie cinématographique française perd de l’argent et, de toute évidence, vit au-dessus de ses moyens avec, toujours pour la même année, près de 400 millions de perte sèche. Paradoxalement, l’œuvre la plus lucrative de 2013 est un véritable film d’auteur, «La Vie d’Adèle» d’Abdellatif Kechiche, Palme d’or à Cannes. Nantie d’un petit budget de 4 millions d’euros, cette œuvre maîtresse a attiré près d’un million de spectateurs, atteignant de ce fait une rentabilité estimée à 219%! Une autre raison au marasme réside en la mainmise de banquiers n’y connaissant que pouic en matière de cinéma. Entre nous soit dit, Hollywood souffre actuellement du même problème, certes à une toute autre échelle.

      D’art et d’essai

      La situation n’est pas rose, mais ne désespérons pas. Même si les jeunes réalisateurs ont désormais mille peines à produire leurs premiers films, la France, même affaiblie, reste toujours la patrie du cinéma d’art et d’essai, comme on disait à l’époque. Reste à le soutenir en allant découvrir les films en salles…

      Vincent Adatte