Drunk


En son temps, flanqué de son compatriote Lars von Trier, le Danois Thomas Vinterberg avait lancé le mouvement Dogma prônant un malicieux vœu de «chasteté cinématographique» (caméra portée, décors réels, son direct, aucune lumière additionnelle). Avec «Festen» (1998), révélation sardonique d’un secret de famille, il en avait signé une manière de manifeste. Après ce coup d’éclat, Vinterberg a mené une carrière en dents de scie, avec à la clef des films disparates, passant sans autre de l’impressionnant «La chasse», qui traquait un auxiliaire de jardin d’enfants accusé à tort de pédophilie, au lénifiant «Kursk», récit de la catastrophe qui vit sombrer corps et biens un sous-marin nucléaire russe.

Avec «Drunk», auréolé de l’Oscar du Meilleur film étranger 2021, le Danois retrouve sans conteste les sommets… Désabusés et comme momifiés par la routine, quatre enseignants décident de mettre en pratique une théorie du philosophe et psychiatre norvégien Finn Skårderud. A en croire celui-ci, l’être humain naîtrait avec un déficit d’alcool dans le sang équivalant à 0,5 grammes, ce qui aurait pour effet de diminuer son aptitude au bonheur. Ces quatre fleurons de la neurasthénie masculine s’efforcent de trouver la bonne formule alcoolémique, histoire de rendre leur monde plus vivable, sans pour autant qu’elle nuise à leur santé…

Dans un premier temps, ces pères de famille revenus de tout croient avoir décroché une manière de nirvana existentiel, renouant avec l’envie de vivre, à l’exemple du prof d’histoire (joué à la perfection par Mads Mikkelsen) dont la métamorphose stupéfie ses élèves. Réconciliés avec la vie et eux-mêmes, les quatre lascars n’ont toutefois pas la sagesse de s’en tenir là, rompant bientôt avec le protocole, grisant mais très bien dosé, qui leur a fait retrouver un certain équilibre. Très loin d’une bête ode aux bienfaits de l’ivresse plus ou moins bien contrôlée, Vinterberg décrit surtout le malaise profond de «l’homo masculinus» dont les repères vacillent.

Druk
de Thomas Vinterberg
Danemark, 2020, 1h55