«Dessins très animés»

Caméra-stylo, programme n°112 |


Le cinéma d’animation semble vivre aujourd’hui un nouvel âge d’or. Il ne se passe pas un mois sans qu’un dessin animé vienne occuper les écrans, non sans succès, à l’exemple de “Shrek” (2001) qui a même eu les honneurs de la compétition à Cannes. À l’occasion de la sortie très attendue de l’inénarrable “Les triplettes de Belleville” du Français Sylvain Chomet, présenté ces jours à Cannes, Passion Cinéma démontre que cet essor réjouissant n’est plus l’apanage du seul cinéma américain.

La fin du monopole

Au cours de ces deux dernières décennies, un événement a changé la donne de l’animation mondial : l’avènement d’une concurrence solide aux studios Walt Disney qui détenaient une manière de monopole mondial jusqu’alors. En produisant les films d’un talentueux transfuge de Disney, Don Bluth (“Brisby et le secret de Nimh”, (1982); “Fievel et le nouveau monde”, 1986), Steven Spielberg a jeté les bases de DreamWorks, la Major qu’il a fondée avec David Geffen et Geoffrey Katzenberg. Un “big“ studio qui, après quelques essais, a réussi avec “Shrek” à battre Disney sur son propre terrain, y compris les remarquables “Toy Story” (1995) ou “Monstres et Cie” (2001). Cette nouvelle concurrence a donné des ailes à d’autres Majors qui se sont aussi lancé avec plus ou moins de réussite dans la production de dessins animés de long-métrage : la Warner avec “Le géant de fer” (1999) de Brad Bird ou la 20th Century Fox avec “Anastasia” (1997) de Don Bluth et “Ice Age” (2002) de Chris Wedge.

Essor japonais et européen

L’engouement manifesté par Hollywood pour le cinéma d’animation a indéniablement favorisé la diffusion et la production de films venus d’ailleurs. En Suisse, “Princesse Mononoké” du génial Hayao Miyazaki a été le premier dessin animé japonais a bénéficié d’une distribution massive grâce à la société liée à… Disney! Plus grand succès de tous les temps au Japon, “Le voyage de Chihiro” du même Miyazaki a remporté l’Ours d’Or du Festival de Berlin 2002.
En Europe, les initiatives du programme d’aide européen à l’animation, “Cartoon”, ont contribué de façon décisive au développement de studios et de projets de films destinés aux salles. Les succès inattendus de “Kirikou et la sorcière” (1998) du Français Michel Ocelot et de “La mouette et le chat” (idem) de l’Italien Enzo d’Alò ont donné des ailes au cinéma d’animation européen.

Rien qu’un rêve

Plus récemment, “Le château des singes” (1999) du vétéran Jean-François Laguionie et “Corto Maltese” (2002) de Pascal Morelli ont aussi témoigné de cet activisme continental. Co-réalisé en Allemagne par le Suisse Robi Engler, “Globi und der Gestohlene Schatten” est une co-production germano-helvético-luxembourgeoise dont la sortie est prévue en septembre prochain.
Les structures industrielles qui se sont développées aujourd’hui en Europe restent cependant extraordinairement fragiles. Comme le regrette Ocelot, qui a passé près de 6 ans à produire “Kirikou”, tout est toujours à recommencer, en Europe, tant en termes de production que de distribution. Pour espérer “survivre “ à longue échéance, il importerait que les longs-métrages européens s’imposent sur le marché mondial, ce qui est hélas encore loin d’être le cas… Le rêve serait-il déjà en train de s’achever?

Frédéric Maire