Enquête sur la sexualité

de Pier Paolo Pasolini
avec Alberto Moravia, Cesare Musatti, Pier Paolo Pasolini…



Présenté pour la première fois en Suisse romande, «Comizi d’amore» est un documentaire réalisé dans l’esprit du «cinéma-vérité» initié au début des années soixante par Jean Rouch et Edgar Morin. De façon fascinante, Pasolini va détourner à ses fins propres ce concept pour en faire une réflexion sur sa propre démarche artistique, transcendée par l’idée que le cinéma parle la langue de la réalité… Tel un commis-voyageur socratique, le cinéaste italien sillonne l’Italie questionnant des gens de toutes sortes sur la sexualité. «Comizi d’amore» s’articule de façon très ordonnée. Un prologue voit Pasolini interroger des gosses à Palerme sur la manière dont naissent les enfants. S’ensuivent trois parties, intitulées «Recherches», où le réalisateur questionne des Italiens et des Italiennes de classes et d’origines régionales différentes. Ces interviews spontanées sont entrecoupées par des propos d’Alberto Moravia et Cesare Musatti auxquels Pasolini expose les résultats de ses «Recherches».

C’est dans ce contexte que Moravia a cette fameuse répartie, déclarant ne jamais être scandalisé dans la mesure où «il est toujours possible de comprendre les choses, et les choses qui se comprennent ne scandalisent pas». Au fur et à mesure des «Recherches», la distance entre le questionneur et les questionnés grandit de façon continue. Confronté de façon répétée au silence, à l’hypocrisie, Pasolini devient de plus en plus ironique, faisant ainsi acte de sa différence. Dans un épilogue poétique, opérant un retour à la fiction, le cinéaste médiatise la réalité brute à laquelle il vient de se confronter. Sur les images d’un mariage entre deux jeunes gens qu’il commente en lisant un poème, il ne fait mystère de son échec, pour aussitôt le conjurer avec l’espérance de la poésie!
COMIZI D’AMORE, Italie, 1965, noir et blanc, 1h30, programme n°157