Coffee and Cigarettes

de Jim Jarmusch |
avec Tom Waits, Iggy Pop, Bill Murray, Cinqué Lee, Cate Blanchett, etc.

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    De «Permanent Vacation» (1980) à «Ghost Dog, la voie du samouraï» (1999), en passant par «Stranger Than Paradise» (1984), «Down by Law» (1985) et le sublime «Dead Man» (1995), Jarmusch a développé un style à nul autre pareil, mixte contemplatif entre sensibilité américaine et culture (cinématographique) européenne. A l’évidence, l’auteur de «Mystery Train» (1989) tourne peu (sept longs-métrages de fiction en bientôt vingt-cinq ans de carrière)… Eh oui, l’indépendance a un prix! Pour ne pas perdre la main, Jarmusch a réalisé entre ses «gros« tournages des courts-métrages qui sont tous basés sur le même concept: notre cinéaste réunit et fait bavarder des amis qui lui sont chers devant un café (ou parfois un thé) et quelques cigarettes. Intitulée «Coffee And Cigarettes», cette série a pour genèse une commande de l’émission télé Saturday Night Live. Convié à tourner un court-métrage, Jarmusch, qui est sur le point de boucler le tournage de «Down by Law», écrit à toute berzingue un petit canevas et, surtout, convainc l’invraisemblable Roberto Begnini de participer à la chose… L’habitude est prise. Jarmusch va tourner onze de ces petits films, invitant ses amis proches (comédiens et musiciens) à pratiquer cet exercice toujours écrit par ses soins, mais en tenant compte de la personnalité de ses différents protagonistes. Le cinéaste met un terme à l’expérience en 1998, après le tournage de «Ghost Dog».

    En 2003, Jarmusch décide rassembler les onze courts-métrages issus de ce concept toujours sous l’intitulé de départ («Coffee And Cigarettes»). Certes parfois inégal, le résultat est cependant fascinant et, souvent, très drôle. Toutes réalisées en noir et blanc, ces perles d’humour absurde (qui font songer à Samuel Beckett) révèlent dans leurs propres rôles (mais découverts dans la perspective de leur complice cinéaste) des personnalités artistiques peu communes – les déjà cités Tom Waits et Roberto Begnini, Steve Buscemi, Cate Blanchett (qui joue un double rôle assez craquant), Alfred Molina, Bill Murray, Meg et Jack White du groupe White Stripe, etc. Bien évidemment, le spectateur est amené comparer les performances des uns et des autres. Pour notre part, nous avons trouvé absolument irrésistible le sketch où le génial Bill Murray («Lost In Translation») joue au serveur pour GZA et RZA du groupe de rap Wu-Tang. Mais, de façon paradoxale (encore que…), la palme revient indéniablement à l’épisode où une parfaite inconnue dénommée Renée French rejoue le canevas proposé par Jarmusch dans sa version la plus minimaliste… Comme si un ange (du cinéma) passait à cet instant-là. Par ailleurs, la qualité inégale de l’ensemble, relevée ci-dessus, fait entièrement partie du concept. Manifestement, son auteur n’a pas voulu gommer les défauts, les imperfections. Partant, sa compilation devient alors un formidable témoignage de l’évolution d’un grand cinéaste, dont on ne peut faire l’économie.

    Etats-Unis, 2002, noir et blanc, 1h36; programme n°39