«Cinéma suisse tout feu tout flamme»

Caméra-stylo, programme n°125 |

L’incendie a éclaté durant l’été. Alors que les cinéphiles helvétiques envahissent les salles et les terrasses de Locarno, un article met le feu aux poudres. Le Conseiller fédéral Pascal Couchepin, Ministre de la Culture en titre, critique vertement les systèmes de soutien au cinéma au sein de la Confédération, diligentant illico une enquête interne pour y voir plus clair. Les méchantes langues murmurent que la seule raison de sa fureur serait un mauvais jeu de mot prononcé dans la comédie de la Genevoise Léa Fazer, «Bienvenue en Suisse» (présentée en ouverture de la section «Un certain regard à Cannes»), qui écorche son auguste patronyme. Une paille! Mais l’incendie est allumé. Ça s’est vite mis à cramer dans tous les sens, chacun y allant de sa petite polémique personnelle pour rajouter de l’huile sur le feu.

Un incendie très médiatisé

L’incendie s’est éteint à l’automne en faisant une seule victime officielle: le Directeur de l’Office fédéral de la Culture (et par ailleurs ancien patron du Centre suisse du Cinéma et du Festival de Locarno), David Streiff, a démissionné, remplacé depuis par le Neuchâtelois Jean-Frédéric Jauslin. L’enquête s’est achevée sur une sorte de non-lieu, comme si rien (ou presque) ne s’était passé. Et pourtant! L’incendie a mis en péril un paysage cinématographique encore bien fragile, au point d’occulter le fait, pourtant réjouissant, que notre cinéma ne s’est peut-être jamais si bien porté. A l’exception des œuvres de Godard, cela faisait longtemps qu’un film suisse n’avait pas été retenu en sélection officielle à Cannes; idem à Venise et, de surcroît, en compétition, avec le premier long métrage de Greg Zglinski, «Tout un hiver sans feu», tourné dans les Montagnes neuchâteloises et centré – ironique coïncidence – sur l’incendie d’une étable. Et ce n’est pas fini… Sorti récemment en salles à Paris, le documentaire de Jean-Stéphane Bron, «Mais im Bundeshuus – Le Génie Helvétique», a eu droit à un accueil dithyrambique de la presse française!

Cinq films nominés

Pour témoigner de ce bon état de santé, Passion Cinéma vous propose de célébrer le meilleur du cinéma suisse de l’année, au moment où s’ouvrent les Journées cinématographiques de Soleure. Vous aurez ainsi l’heur de découvrir cinq films passionnants qui sont tous nominés pour les Prix du Cinéma Suisse et qui seront décernés le 26 janvier. Deux fictions figurent au programme: le long métrage de Zglinski, bien sûr, qui sera projeté à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds le 17 janvier en présence du réalisateur et de toute l’équipe de tournage, et «Sternenberg» de Christoph Schaub, une comédie de mœurs agreste qui a obtenu le prix du public au festival Cinéma Tout Ecran à Genève. Côté documentaire, qui constitue toujours l’un des points forts de notre cinématographie, trois œuvres passionnantes sont à découvrir: «Alléluia! le Seigneur est cinglé» de Alfredo Knuchel, «Accordion Tribe» de Stephan Schwietert et «Que sera?» de Dieter Fahrer. Chacun à leur manière, ces films démontrent que le cinéma suisse retrouve peu à peu sa place dans le «concert» européen, notamment grâce à des instruments d’aide publique patiemment développés au fil des ans… Bien qu’il lui manque toujours un peu (beaucoup) d’argent pour (mieux) exister, il n’y a vraiment aucune raison pour qu’on lui mette le feu!

Frédéric Maire