Carmen Jones

A voir dimanche 21 décembre 2014 à 0h15 sur France 3 |

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Formé par Ernst Lubitsch, le cinéaste d’origine viennoise Otto Preminger développa un sens très poussé de l’exigence que les Majors hollywoodiennes prirent pour de l’arrogance, d’autant que son regard possédait une acuité critique fort peu américaine! Malgré des rapports très conflictuels avec ses producteurs, Preminger explora maints genres de façon très convaincante: film noir («Laura» 1944), film policier («Mark Dickson, détective», 1950), drame psychologique («Le mystérieux Docteur Korvo», idem), western («La Rivière sans retour», 1954) et même à la comédie musicale,

Réalisé en 1954, «Carmen Jones» constitue aux côtés des versions de Francesco Rosi, Carlos Saura, Lotte Reiniger, Terence Young, Cecil B. DeMille (pour ne citer qu’eux), une nouvelle lecture de «Carmen», venue au monde dans le roman de Prosper Mérimée et célébrée à l’échelle mondiale à travers l’opéra de Bizet. Situant son récit durant la Deuxième Guerre mondiale, dans une communauté afro-américaine du Sud des Etats-Unis, Preminger introduit Carmen Jones, une ouvrière sulfureuse, dans un camp militaire. Accueillie chaleureusement, la jeune femme ne tarde pas à faire tourner la tête des soldats, et plus particulièrement celle de Joe, qui quitte sa fiancée et déserte l’armée pour vivre son idylle avec la belle avant d’être jeté en prison…

En rupture complète avec les codes moraux et formels qui régissent la production hollywoodienne des années 1950, Preminger affiche une réelle sympathie à l’encontre de son héroïne, alors que la plupart de ses homologues auraient eu tôt fait de brosser le portrait d’une femme fatale dangereuse et manipulatrice. Il fait également preuve d’une véritable audace en éliminant les numéros dansés des comédies musicales traditionnelles au profit de scènes chantées et statiques, qu’il intègre simplement dans la continuité du récit. Surtout, le cinéaste ose un véritable coup de poker musical et n’hésite pas à reprendre les airs classiques de l’œuvre de Bizet en les agrémentant de nouvelles paroles, inspirées par le langage populaire des protagonistes. En résulte un drame chanté original et sensuel, filmé dans un somptueux format Scope.

de Otto Preminger
Etats-Unis, 1955, 1h47