Boarding Gate

Cannes 07, hors compétition |
de Olivier Assayas |
avec Asia Argento, Michael Madsen, Kelly Lin, Carl Loong Ng, etc.


Invité par le Musée d’Orsay à réaliser un film pour fêter les vingt ans de l’établissement, le grand cinéaste taiwanais Critique aux Cahiers du Cinéma passé derrière la caméra dès 1986 avec «Désordre», Olivier Assayas est devenu en deux décennies l’un des observateurs les plus aigus de notre modernité globalisée. «Boarding Gate» est un véritable ensorcellement visuel qui conclut une trilogie dont «Demonlover» (2002) et «Clean» (2004) constituent les deux premiers volets. Resté inédit en Suisse, «Demonlover» est un chef-d’œuvre vertigineux qui fait plus peur que n’importe quel film d’horreur en montrant comment la circulation des images sur le Net peut faire de l’internaute un complice passif voire consentant des pires exactions. Pétri d’humanité, «Clean» a fait oublier cette désespérance glaciale en nous attachant aux pas obstinés d’une ex-toxico sortie de taule, bien décidée à récupérer la garde de son fils et la considération d’autrui.

Pour écrire le scénario de «Boarding Gate», son onzième long-métrage, Assayas dit s’être très librement inspiré d’un fait-divers qui défraya la chronique genevoise en 2005: banquier de son métier, un certain Edouard Stern passait de vie à trépas au cours d’une séance sadomasochiste à laquelle participait une jeune prostituée aux abois… Le cinéaste part de cette anecdote dramatique pour dresser avec une énergie folle le portrait d’une époque où l’individu, fasciné, se laisse aspirer par l’abîme du virtuel. Dégageant une intensité fabuleuse, Asia Argento prête ses traits à la protagoniste de ce trafic d’héroïne en détresse, prise dans un mouvement déréalisant qui manque de l’anéantir à plusieurs reprises… Dans le même temps qu’il dresse la carte inexistante de la planète globale, Assayas rend aussi hommage aux serials des débuts du cinéma dont Louis Feuillade fut l’un des poètes. Bourrés de péripéties invraisemblables et de personnages sans épaisseur, ces feuilletons cinématographiques préfiguraient-ils l’ère du pixel tout puissant?
France, 2007, couleur, 1h53, programme n°150