Babylon 2

de Samir |

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    Peu connu de ce côté-ci de la Sarine et pourtant idole des jeunes cinéphiles en Suisse alémanique, le cinéaste zurichois Samir est un parfait exemple d’intégration: d’origine irakienne, né à Bagdad en 1955, Samir est venu en Suisse, avec sa famille, en 1961 déjà. Devenu plus zurichois que nature, cinéaste et expérimentateur accompli, il réalise quelques-uns parmi les films de fiction les plus révélateurs de l’éclatement de l’establishment culturel des rives de la Limmatt: de «Morlove – Eine Ode für Heisenberg» (1986) à «Immer & Ewig» (1991) en passant par «Filou» (1988), Samir explore le mal-être de la jeunesse helvétique dans une société cloisonnée. Toutefois, Samir ne s’apitoie pas sur la société qu’il décrit, au contraire; avec un humour mordant dont il ne se départit jamais, et à l’aide de manipulations électroniques et vidéographiques dont il émaille ses films, le cinéaste développe une oeuvre particulièrement originale et critique sur la société dans laquelle il vit. «Babylon 2», son dernier film (présenté à la Semaine de la critique du Festival Locarno en 1993), constitue à cet égard un voyage plus personnel encore vers ses propres origines et celle de tous les «étrangers» de ce pays. Samir y interroge en effet, de manière très directe, plusieurs jeunes représentants de la «deuxième génération» d’immigrés en Suisse, comme le Turc joueur de hockey Ersan Sahin, l’Espagnol MC Carlos (leader du groupe de rap lausannois Sens Unik) ou la Jamaïcaine Debbie Dee, qui parle français avec un accent vaudois prononcé… Grâce à un travail constant de mise à distance des personnages de son film à travers son propre regard d’immigré, Samir ne réalise pas ici un documentaire classique; mettant en scène de drôlatiques saynètes d’«intégration idéale», il se moque même de ce pays pour lequel le devoir d’accueil est sacré — tant qu’il ne nuit pas à ses propres intérêts.

    Suisse, 1993, 1h30, couleur; programme n°26