Aux guerriers du silence

de Cesar Paes |


Cinéaste brésilien établi en France, Cesar Paes tourne en vidéo «pour aller plus lentement», rejoignant ainsi Jean-Luc Godard («utiliser la vidéo pour aller plus vite, c’est une hérésie»). La clef de la réussite de ses documentaires réside surtout dans la complicité avec les hommes et les femmes qui en sont les non-acteurs. Seul l’emploi de la vidéo permet d’établir cette complicité qui demande du temps. Tourné pendant vingt-quatre semaines, «Aux guerriers du silence» (1992) devait à l’origine constituer le premier épisode d’une série consacrée aux cultures orales menacées de disparition. Faute de moyens, Paes a dû en rester à cette entrée en matière éblouissante qui s’enracine dans la terre d’un pays froid et d’un pays chaud, la Laponie et le Brésil, que le cinéaste fond peu à peu de façon stupéfiante en un seul et unique espace de résistance. Saamis en Laponie et Indiens Fuini-ôs au Brésil mènent une même lutte silencieuse pour sauvegarder leur langue. Sans aucun parti pris, Paes montre comment les uns et les autres s’efforcent de résister, telle cette enseignante indienne qui invente des mots pour faire exister dans son idiome des termes «mondialisés» comme mixer, frigo ou télévision — traduit par un sublime «ombres en direct» dans la langue des Fuini-ôs!
Documentaire, France / Brésil, 1992, couleur, 54min, programme n°123