Astrid

Biopic consacré à l’écrivaine suédoise Astrid Lindgren (1907-2002), «Astrid» éclaircit le mystère des origines de Fifi Brindacier, l’une des héroïnes parmi les plus subversives, bénéfiques et indomptables de la littérature pour enfants. Réalisé par la Danoise Pernille Fischer Christensen, ce film s’appuie sur une dramaturgie aussi subtile que très bien trouvée… Au soir de sa vie, la romancière reçoit d’innombrables lettres de ses jeunes admiratrices et admirateurs qui la pressent de questions. Celles-ci déclenchent à chaque fois un retour en arrière dans le temps, évoquant un aspect de son existence, véritable ferment de l’œuvre à venir.

Il en va ainsi dès la première question qui lance le film. Dans sa lettre, un ou une jeune lectrice lui demande comment elle réussit, si vieille, à rester aussi proche des enfants dans ses livres. Cette interrogation nous catapulte en 1920, en pleine campagne, où ses parents fermiers l’élèvent avec ses deux sœurs et son frère dans un milieu corseté par la religion. Déjà Astrid détonne par son indépendance d’esprit. Elle est prête à assumer la solitude qui pourrait lui revenir en retour, comme en atteste une très belle scène de bal villageois, où, pré-adolescente, elle se déhanche en solitaire sur un air de jazz massacré par un duo local.

Avec une autre question d’enfant, le film aborde son entrée précipitée dans une vie d’adulte qui ne lui fera pas de cadeau. Travaillant pour un éditeur dès l’âge de seize ans, elle tombe enceinte de ses œuvres et fait alors la difficile expérience d’être fille-mère à une époque encore très peu conciliante avec ce genre de statut!

Par ce biais, la cinéaste réussit à montrer comment sa protagoniste, toujours plus déterminée, comme renforcée par les épreuves, a puisé dans l’adversité masculine et patriarcale les ressorts qui font de ses jeunes personnages des êtres libres, sans peur ni reproches. A l’exemple de Fifi Brindacier, petite fille dotée d’une force herculéenne qui vit dans une totale liberté en faisant fi de toutes les convenances, ou de Zozo la tornade, créateur émérite de sublimes bêtises… Le film peut alors s’arrêter avant que l’écrivaine ne passe à l’acte et n’écrive un seul mot, tout a été dit sur ce qui a présidé à la naissance de ces personnages d’exception!

Unga Astrid
de Pernille Fischer Christensen
Danemark/Suède/Allemagne, 2018, 2h03