Arthur Rimbaud, une biographie

de Richard Dindo |
avec Christiane Cohendy, Madeleine Marie, Bernard Bloch, Albert Delopy, Jean Dautremay, etc.

    arthur-rimbaud-une-bio_WEB

      Rimbaud-Dindo: la rime est pauvre… mais quel film! et qui rend au cinéma sa vertu singulière: quand celui-ci fait de l’apparition du sens un spectacle unique, quand com­prendre signifie avant tout ressentir… à ce point que l’on voudrait crier au miracle, abu­sés que nous sommes, mais d’une manière si admirable!
      Le cinéma de Richard Dindo a toujours enquêté. Cependant l’enquête, cette fois, est devenue quête, car elle pose et approche un mystère absolu, mais qui nous éprouve tous par le dedans; un mystère dont Rimbaud in­carne l’expression la plus radicale; laquelle prend aujourd’hui valeur de sacrifice invo­lontaire, puisqu’elle nous permet de faire de ce mystère commun une énigme particulière — tolérable donc — et dont les termes se­ront: pourquoi Arthur Rimbaud, poète gé­nial, a-t-il cessé d’écrire?
      Pour répondre, ou tenter de répondre, Dindo va œuvrer sur le mode du témoignage. C’est ainsi qu’il rencontre, quelques années après la mort du poète (1891), ceux qui ont constitué son entourage, à savoir, sa mère, sa sœur, un ami d’enfance, Paul Verlaine, un employeur et un correspondant d’affaire… et chacun de livrer ses «petites» impres­sions.
      Interrogés sur les lieux même, les témoins, à eux six, retracent la courte existence (trente-sept ans) qui fut celle de l’auteur du Bateau ivre: leurs témoignages donnent de Rimbaud une image purement extérieure, banale, mais très précise; et Dindo accentue cette sensation en les filmant dans des cou­leurs sûres, enserrés dans des plans fixes…
      Le choc s’avère alors inévitable quand il les confronte au point de vue de l’Absent, représenté, bien évidemment, par ses poèmes et plus tard, hélas, par sa seule correspondance; lesquels sont déclamés sur des plans-séquences merveilleusement hésitants de vie, dont l’opacité granulée conserve à l’ima­ge assez de mystère pour lui greffer, sans dommage, la parole poétique.
      C’est de cette confrontation, restituant forcé­ment quelques éclats de vérité, que va sourdre peu à peu le secret de l’énigme… Mais si ce secret parvient à se faire ressen­tir, nous le devons à la seule intelligence créative de Dindo qui n’a de cesse par son art de nous en rendre contemporains — ce qu’il sera toujours, mais encore faut-il l’accepter! Ainsi, pouvons-nous maintenant faire nôtre cette métaphore absolue du «temps fini de la jeunesse», que dessine sans retour la trajec­toire d’Arthur Rimbaud… cette tragédie que nous jouons tous, parfois sans le savoir, en acteurs anonymes et sans talent.
      France / Suisse, 1991, 1h21, couleur; programme n°8