Amour

A voir jeudi 20 avril 2017 à 23h25 sur RTS Un |

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Au cours d’un prologue qui a valeur d’avertissement pour le spectateur, Georges et Anne (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, formidables d’engagement) se rendent au Théâtre des Psychanalysées pour assister au concert d’un pianiste virtuose, ancien élève d’Anne. Après l’avoir salué dans sa loge, les deux octogénaire rentrent en bus dans leur grand appartement, situé dans un quartier bourgeois de Paris. Arrivés sur le palier, ils constatent que leur porte a été forcée. A leur réaction, on devine que ce fait plutôt anodin a la vertu noire des mauvais signes, annonciateur de quelque catastrophe menaçant leur bonheur très autarcique… Peu après, Anne est victime d’un accident vasculaire cérébral qui la laisse très diminuée, mais encore pleinement consciente. Par amour, Georges accepte alors de lui promettre qu’il ne la laissera jamais mourir à l’hôpital et qu’il s’occupera d’elle jusqu’à la dernière extrémité, ignorant de l’épreuve terrible que cette promesse lui prépare.

Multipliant les accidents circulatoires, Anne s’éteint petit à petit, inexorablement, sombrant dans un état parfois proche de la démence. Tenu par sa promesse, Georges tient bon, écartant toutes les personnes à la sollicitude envahissante, à commencer par sa fille Eva (Isabelle Huppert) qui lui manifeste son incompréhension… Avec l’intégrité impressionnante qui l’a toujours caractérisé, le réalisateur montre ensuite de la façon la plus concrète, à la fois tendre et insoutenable, cette ultime lutte au corps à corps restituée par deux acteurs mythiques qui ont l’âge du rôle. Approchée par notre confrère Christian Georges à Cannes, Emmanuelle Riva qui interprète ce drame de la dégradation corporelle, intellectuelle et amoureuse avec un courage inouï, lui a confié qu’elle n’a pas pu tricher: «Dans les premiers plans tournés, j’avais tendance à être très douce et très tendre avec mon «mari». Haneke est venu me voir en catimini et m’a dit: «Pas de sentimentalité!» Cela a été le mot-clé qui m’a montré le chemin à suivre. Je vivais très fort les situations, au point de m’échapper de moi-même…»

Après «Le ruban blanc», le cinéaste autrichien Michael Haneke a remporté à Cannes une seconde Palme d’or avec «Amour», un nouveau chef-d’œuvre qui emporte le spectateur à des sommets d’émotions ambivalentes. Distant et souvent ironique, le cinéaste autrichien Michael Haneke n’a que faire de séduire le spectateur, excellant dans l’art difficile de créer le malaise. Ainsi, il n’a pas son pareil pour nous plonger dans un inconfort très salutaire, parce qu’il nous renvoie à nous-mêmes, sans aucun ménagement. Le onzième long-métrage du réalisateur de «La pianiste» ne fait absolument pas exception, en faisant de l’amour, cette si belle vertu, le moteur infernal d’une véritable descente aux enfers.

de Michael Haneke
France / Allemagne / Autriche, 2012, 2h07