Alléluia! Le Seigneur est cinglé

En première vision |
de Alfredo Knuchel


Ouvrez n’importe quelle encyclopédie vouée aux pratiques artistiques, il y a fort à parier qu’il n’y soit fait nulle part mention de l’«art brut». C’est dire si cette notion peine à s’ancrer dans les esprits académiques. Pourtant l’affaire ne date pas d’hier: en 1948 déjà, le peintre Jean Dubuffet créait la «Compagnie de l’art brut» qui regroupait «des productions présentant un caractère spontané et forcément inventif aussi peu débitrices de l’art coutumier ou des poncifs culturels et ayant pour auteurs des personnes obscures, étrangères aux milieux artistiques professionnels»… Le très beau documentaire d’Alfredo Knuchel fait donc œuvre nécessaire. L’auteur de «Besser und besser» (1996) nous entraîne dans les couloirs de la mythique Waldau, hôpital psychiatrique du Canton Berne, où séjournèrent trois des plus grands esprits rebelles de notre pays étriqué (les écrivains Robert Walser et Friedrich Glauser, le peintre Adolf Wölfli). Devenu aujourd’hui une institution universitaire, l’«asile de l’art» persiste à favoriser l’expression artistique de certains de ses patients. Avec une pudeur remarquable, Knuchel décrit les faits et gestes de six «artistes» qui sont secondés dans leurs pratiques par deux artisans «sains d’esprit» (un serrurier et un peintre en bâtiment)… En résulte une interrogation puissante (et humaniste) sur des notions essentielles comme la norme, la définition de l’«art», le bonheur, etc.
Documentaire, Suisse, 2004, couleur, 1h27, programme n°125