À l’ère de la performance

Programme n°223 |

Du 3 octobre au 6 novembre, Passion Cinéma présente 8 films qui décrivent la performance et ses effets sous toutes leurs formes… Ne manquez pas ce nouveau cycle de films inédits et les séances spéciales en présence des cinéastes Laetitia Carton et Antoine Russbach!

Signe des temps, l’idée de performance a envahi jusqu’à notre intimité. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer les innombrables adeptes du jogging qui ahanent dans nos forêts, caparaçonnés dans leur désir narcissique de se dépasser toujours et encore. Idem pour le collectif: avec ou sans notre consentement, nous devons «performer», rendement oblige! Impérieux, cet impératif dévaste nos lieux de travail, désagrègent tout rapport humain.

Silvio et Amazon

Pour son cycle automnal, Passion Cinéma a jeté son dévolu sur 8 films remarquables qui, par différents biais, décrivent les faits et gestes attachés à cette ère tyrannique de la performance dont Silvio Berlusconi s’est fait l’un des chantres les plus cyniques, comme le montre le portrait croqué par le corrosif Paolo Sorrentino («Silvio et les autres»). Dans le poignant «Nos batailles», le réalisateur Guillaume Senez enregistre au sein de la cellule familiale les dommages collatéraux causés par l’exigence de rentabilité d’une entreprise monstrueuse qui ressemble fort à celle d’Amazon.

Faillite morale

Avec l’impressionnant «Ceux qui travaillent», le réalisateur suisse Antoine Russbach soigne la schizophrénie galopante du consommateur soi-disant responsable en l’exposant à la faillite morale d’un cadre supérieur d’une entreprise de fret maritime. En filigrane de «Cold War», le nouveau et très attendu film de Pawel Pawlikowski, court le thème essentiel de l’asservissement du désir à une finalité dite supérieure qui réclame que l’on se «stakhanovise» pour elle corps et âme; qu’il s’agisse du paradis sur terre promis par Marx ou de l’augmentation des dividendes «due» aux actionnaires, la souffrance reste de mise.

Finalité sans fin

La volonté de performance est consubstantielle à l’art de la danse. Sa maîtrise a un prix exorbitant, exigeant un sacrifice absolu, à l’instar du garçon de «Girl» de Lukas Dhont, qui se rêvait ballerine, ou, sur un mode plus burlesque, des hommes mûrs du «Grand Bain» de Gilles Lellouche s’essayant à la natation synchronisée. Mais elle peut donner aussi lieu à la plus prodigieuse des dépenses désintéressées, à l’exemple des deux mille danseurs et danseuses qui virevoltent sans arrière-pensées des jours durant dans «Le Grand Bal», le documentaire enivrant de Laetitia Carton.

Vincent Adatte