«Films suisses & Co»

Caméra-stylo, programme n°147 |

Le verdict rendu par les chiffres est sans appel: la part de marché grignotée en 2007 par les productions suisses est «retombée» à 5,6% alors qu’elle pavoisait à 9,7% en 2006, millésime de tous les records. N’en faisons pas une dépression, car des données existent qui peuvent éclaircir et tempérer ce revers de forme. La baisse d’audience a été générale, plongeant la branche dans un état de grande incertitude. Grosso modo, le nombre d’entrées a en effet globalement baissé de 16%, passant d’une année à l’autre de 16,8 à 14,2 millions de spectateurs, toutes sorties confondues. C’est une évidence, les films suisses estampillés 2007 ont été moins porteurs en attirant seulement 800’000 péquins, ce qui, entre nous, reste très estimable en regard de certaines années autrement calamiteuses. En outre, il serait bien naïf de penser que l’on peut produire à la pelle des œuvres aussi rassembleuses que «Die Herbstzeitlosen» (594’745 spectateurs), «Grounding» (378’417), «Je m’appelle Eugen» (557’636) ou encore «Vitus» (264’136).

Foin des clones d’Eugen

Mais ne jetons pas pour autant le bébé avec l’eau du bain: dieu merci, la valeur d’un film n’a jamais été liée à son taux d’audience, loin s’en faut! Même si elles n’ont pas attiré les foules, des productions comme «Pas douce» de Jeanne Waltz, «La Traductrice» de Helena Hazanov, «Das Erbe der Bergler» de Erich Langjahr ou «Ein Lied für Argyris» de Stefan Haupt ne sont pas dépourvues de qualités, à commencer par leur facture personnelle. Il est avéré que le succès peut être mauvais conseiller, certains réalisateurs se sont ainsi évertués dès l’écriture à reproduire l’alchimie qui a présidé au triomphe public des Steiner, Murer et autre Bettina Oberli, au risque du formatage et du ressassement. Nul devin du box-office ne nous l’a confirmé, mais l’exercice 2008 semble commencer sous de bons auspices avec, d’emblée, une diversité de l’offre inhabituelle pour la Suisse et dont témoigne le cycle helvétique» proposé par Passion Cinéma et ses partenaires, Cinepel et l’ABC, sans oublier le précieux soutien de Swissfilms.

Un diversité exceptionnelle

Par exemple, «Max & Co» partage l’affiche de Passion Cinéma avec «Le Temps des adieux». Entre la production la plus coûteuse de l’histoire du cinéma suisse et un documentaire réalisé sans aucun moyen, il ne peut y avoir de contraste plus saisissant! Dans l’idéal, tout cinéphile devrait pourtant avoir la curiosité de découvrir l’un et l’autre. Pari de producteur, le long-métrage d’animation de Samuel et Frédéric Guillaume prouve que l’on peut entreprendre dans notre pays un projet très ambitieux, tout en en gardant le contrôle, le «final cut» comme on dit à Hollywood. Indépendamment de l’étonnant savoir-faire des frères Guillaume, une grande part du mérite revient au «producer» Robert Boner qui a su «protéger» les jumeaux de bout en bout, payant de sa personne avec une générosité rare sous nos latitudes. Dans «Le Temps des adieux», le cinéaste d’origine iranienne Mehdi Sahebi filme la mort au travail avec une pudeur qui exige le plus grand dénuement, accordant de nouvelles lettres de noblesse au documentaire suisse, dont maints directeurs de festivals internationaux prétendent qu’il reste l’un des plus importants au monde.

Vincent Adatte