«Sur nos monts quand le cinéma…»

Caméra-stylo, programme n°132 |

    C’est devenu désormais une tradition: en janvier, Passion Cinéma prend le pouls du cinéma suisse qui, à la même époque, s’expose aux Journées cinématographiques de Soleure. Disons-le d’emblée, le «patient» ne se porte pas trop mal. Il risque même de se porter encore mieux dans les années à venir, à la condition que Nicolas Bideau, successeur de Marc Wehrlin à la tête de la section cinéma de l’Office fédéral de la culture, puisse être en mesure de créer les conditions d’un véritable débat sur les perspectives de notre petite cinématographie, ce qu’il semble bien déterminé à faire!

    Manque de visibilité

    Un spectateur surhumain pourrait découvrir cette année à Soleure pas moins de vingt-deux fictions, quarante-cinq documentaires et nonante-six courts-métrages estampillés «swiss made». La statistique impressionne à juste titre. Seul problème, mais d’importance, la plupart de ces films n’arrivent pas à se frayer un chemin jusqu’à nos écrans et échouent donc dans leur finalité première: trouver un public! Bideau a donc raison de dire que le véritable défi, pour le cinéma suisse, est de se faire aimer. Malgré le dispositif performant de «Succès cinéma» qui, depuis 1997, soutient financièrement les exploitants se risquant à programmer des productions helvétiques, le désamour persiste…
    A ce stade de notre modeste réflexion, il importe de faire un distinguo entre la Suisse allemande et romande. Durant cette dernière décennie, quelques comédies alémaniques ont remporté outre-Sarine un énorme succès. Exportées en Romandie, elles ont fait hélas chou blanc ou presque, au point que les distributeurs échaudés n’envisagent plus la distribution sur notre territoire de ce type de productions pourtant très calibrées, convaincus qu’ils sont de l’existence d’un «Röstigraben» infranchissable! Tout récemment, l’excellent «Mein Name ist Eugen» de Michael Steiner a connu ce triste sort, en dépit de son triomphe en Suisse allemande.

    Trouver des solutions

    Ce repli frileux des distributeurs peut se comprendre, en regard des coûts de promotion occasionnés par une sortie en Suisse romande. Il témoigne aussi des limites du fantasme communautaire qui prévaut dans notre petit pays. Ce serait rassurant si nous ne nous ruions pas dans le même temps sur les films usinés à Hollywood! Certains cinéastes et producteurs tentent de trouver des solutions en amont, conférant à leurs productions une dimension nationale (interrégionale serait plus indiqué) déjà sensible à la phase du scénario qui confronte des protagonistes de langue différente. Samir a tenté le coup avec «Snow White» en dépêchant sur la Goldküste zurichoise le chanteur de rap vaudois Carlos Leal, mais ce geste n’a pas eu le don d’émouvoir les spectateurs romands.
    Producteur chevronné, Marcel Hoen vient de faire exactement l’inverse avec «Jeune Homme», une comédie qui raconte l’histoire d’un jeune Suisse allemand partant à Genève pour travailler comme garçon au pair. Ces échanges bienvenus rendent le sous-titrage obligatoire, ce qui découragera peut-être certains spectateurs. Gageons que les habitués de Passion Cinéma, qui a mis au programme de son cycle helvète cette intéressante tentative, ne se laisseront pas arrêter par ce petit devoir de lecture.

    Vincent Adatte