«Les Films du Sud 2004»

Caméra-stylo, programme n°119 |

Tel un baromètre, les Films du Sud constituent un indicateur fiable de l’état de la diversité de l’offre cinématographique dans notre pays. En regard de la qualité et de la variété du programme de l’édition 2004, force est de constater une très nette amélioration. Il n’y a pas si longtemps, seuls le Festival International du Film de Fribourg et la société de distribution trigon films (soutenus par la Confédération il est vrai) se risquaient à montrer les œuvres issues des cinématographies soi-disant sous-développées. Au jour d’aujourd’hui, la situation semble presque réjouissante. Tous les distributeurs indépendants suisses (et parfois même les Majors) achètent et diffusent dorénavant des Films du Sud qui sont donc devenus une part substantielle de marché. Certes, le budget publicitaire commis pour la sortie d’un film sud-coréen comme le sublime «Printemps, été, automne, hiver… et printemps» reste absolument ridicule en comparaison des sommes dépensées pour vanter les mérites du «Seigneur des anneaux» (pour mémoire près de 90% du budget d’une superproduction hollywoodienne est alloué au poste «publicité»), mais il n’empêche… Avec un peu de curiosité et de détermination, le spectateur helvétique se trouve désormais à même de découvrir par année entre vingt et trente films non américains et non européens.

Nul n’est prophète en son pays

Mais va-t-on pour autant gagner la «guerre mondiale de la culture» qui oppose les Etats-Unis au reste du monde? Non, bien évidemment, car il faut garder à l’esprit le fait (très regrettable) suivant: tous (ou presque) les Films du Sud à l’affiche à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds n’auront pas été vus par le public auquel ils s’adressaient pourtant en premier lieu… Très rares, ou plus sûrement inexistants, auront été les spectateurs iraniens, libanais ou marocains à avoir eu l’heur de découvrir «Deux anges», «Le cerf-volant» ou «Mille mois»! Dans le monde entier, et plus encore dans les pays dits du Sud, Hollywood monopolise les sommets du box-office, ne laissant que des miettes aux productions autochtones. Seule l’Inde fait exception à cette règle sonnante et trébuchante en sacrant ses propres superproductions usinées à Bollywood (n’abandonnant que 5% de part de marché aux films américains). Résultat, une œuvre d’essence réaliste comme «Le serviteur de Kali» reste quasi inédite dans son pays.

L’Afrique aux abonnés absents

Terminons avec quelques considérations sur la sélection opérée par Passion Cinéma. Comme l’an passé, l’Afrique demeure hélas la grande absente de l’édition 2004. Touché par une crise sans précédent depuis les indépendances, le cinéma africain est devenu un véritable désert. Depuis 1991, seulement trois long-métrages ont été tournés au Sénégal, un pays pourtant pionnier en la matière. Hormis le passionnant «Memoria del saqueo» de l’Argentin Fernando E. Solanas, l’Amérique du Sud n’est elle aussi guère présente… Dans ce cas précis, cette désaffection toute passagère est plutôt due aux hasards du calendrier. Plusieurs cinéastes sud-américains, et non des moindres, sont en effet en train de tourner des longs-métrages prometteurs qui, espérons-le, parviendront jusqu’à nous.

Vincent Adatte