«Clooney n’est pas un clown»

Caméra-stylo, programme n°133 |

Le beau George Clooney honoré par Passion Cinéma! D’aucuns murmureront que c’est là faire bien trop d’honneur au play-boy très «people» installé depuis quelques années dans une luxueuse villa sise au bord du lac de Côme. Soit dit en passant, cet exil volontaire dans ce lieu romantique cher à Stendhal prouve déjà que ce transfuge d’Augusta, Kentucky, diffère un brin de l’image habituelle que l’on se fait d’une star américaine! Or, ces jours sortent sur nos écrans deux films absolument remarquables, tant par leur facture que par leur portée politique. Et qui retrouvons-nous à leurs génériques, crédité à plusieurs titres? Le citoyen Clooney! Acteur, producteur (exécutif) sur «Syriana», acteur (secondaire) et producteur, co-scénariste, réalisateur sur «Good Night, and Good Luck». De fait, la carrière de l’ex-toubib de la série «Urgences» a pris un tour qui a surpris plus d’un observateur attentif des grandeurs et servitudes de la ménagerie hollywoodienne.

Base-ball et tomates tueuses

A vrai dire, cette trajectoire est peut-être moins surprenante qu’il n’y paraît… De bonnes fées se sont précocement penchées sur le berceau du petit George qui a vu le jour en 1961. Elevé dans une famille très «démocrate», marqué par un père présentateur télé hanté par les questions de déontologie, le jeune Clooney a donc fait très tôt connaissance avec les ambiguïtés cathodiques. Neveu de José Ferrer, acteur brillant mais bouffé par le star-system, il entreprend en vain des études de journalisme. Après cet échec, il se voue corps et âme au base-ball, sport-roi aux Etats-Unis, et manque de peu de devenir joueur professionnel. Ses relations familiales lui permettent de faire ses premiers pas devant la caméra. Emballé par cette première expérience, Clooney s’efforce de persévérer, mais s’embourbe durant près de quinze ans dans le marigot des téléfilms réalisés à la va comme que je te pousse. Après avoir fait une apparition très peu marquante dans «Le retour des tomates tueuses» (1988), il attend encore six longues années avant d’obtenir un véritable sésame en décrochant le rôle du docteur Ross dans la série «Urgences».

Il faut tuer le docteur Ross

Du jour au lendemain, Clooney devient une star du petit écran. Flairant le danger d’un rôle à vie, il casse aussitôt l’image du pédiatre séducteur et magnanime en allant jouer un héros foutraque dans un script déjanté de son ami Tarantino. Au désespoir de ses admiratrices, il quitte la série qui lui a valu la célébrité pour se consacrer au seul cinéma. Cette rapidité dans son changement d’orientation donne l’impression d’un plan mûri de longue date… Clooney poursuit son émancipation en jouant dans des films signés par de véritables auteurs comme Terence Malick ou les frères Coen. Avec son compère Steve Soderbergh, qui lui a offert son premier grand rôle dans «Out of Sight» (1998), Clooney fonde sa propre compagnie, «Section Eight», qui lui permet de produire des films à haut risque dont n’aurait jamais voulu Hollywood. En 2002, Clooney passe derrière la caméra pour réaliser son premier long-métrage, «Confessions d’un homme dangereux». Il y fait montre d’un grand talent et d’une fibre presque fordienne que confirme son nouveau film, «Good Night, and Good Luck». A l’instar de l’immense John Ford (1894-1973), il tente de rendre la démocratie à nouveau désirable en Amérique, un travail digne des écuries d’Augias en regard de la situation politique qui prévaut outre-Atlantique.

Vincent Adatte